
Art à Saint- Germain, incertain festival
C’est sous une fine mais incessante pluie que s’est déroulée l’ouverture de la 15 ème édition du festival Art à Saint-Germain, le temps d’un week -end le quartier se transforme en galerie d’art géante.
Expositions en chantier, galeristes angoissés, scrutant les quelques rares visiteurs qui poussent les portes maintenues closes à cause du vent, trio de musiciens se risquant à quelques morceaux jazzies, sous un porche, un échafaudage pour s’abriter de la pluie.C’est dire que les conditions météorologiques ont abondamment fournies les conversations entre deux toiles, deux coupes de champagne. Les ballons de baudruche colorés suspendus aux portes des quelques 65 galeries participantes, n’ont pas suffit à animer les « festivités ».
Intuition prémonitoire, ou pragmatisme, rares sont les artistes à avoir fait le déplacement. L’un d’entre eux Davy Woods ( visuel 1) , sculpteur californien, dont le succès ne se fait plus attendre outre-Atlantique, expose à la galerie Marie-Laure de l’Ecotais, des sculptures constituées d’un assemblage pour le moins déstabilisant de pierres en équilibre, nuages flottants qui semblent renier la gravité. Lorsqu’on lui confie notre sentiment, l’artiste a cette réaction, « mon travail ne dénie pas la gravité, mais notre propre stabilité ».
Poursuivant notre échappée, traversant à la hâte la Galerie 53, ou l’exposition libre de Michèle Destarac, n’aura pas su nous convaincre, l’artiste qui dit entretenir une esthétique du chaos, en semble bien loin, avec des peintures, qui à l’instar du docteur Faust semblent avoir vendu leurs âmes.Quelques mètres plus loin, nous découvrons le charme bohème à peine provoqué d’une galerie nichée dans la cour, une cour d’un vieil hôtel, la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, les descriptifs et présentations trainant négligemment sur le pas de la porte, à coté d’annonces diverses, n’y sont pas pour peu. Julien Bismuth y expose une série d’élégantes acryliques sur papier, et des sérigraphies aériennes, sublimées sous la lumière bleuissante qui irradie la galerie en ce début de soirée. Sur les pavés ruisselants, il n’y a qu’à lever les yeux pour faire son choix entre la multitude de galeries qui arborent les couleurs du festival, la rue de Seine en est envahie.
Quelques minutes plus tard, nous voilà de nouveau sur le pavé, après avoir parcouru l’exposition,un peu trop sage, un peu trop bourgeoise “Dadaïsme et Surréalisme de Bucarest à Paris” , sans manquer de nous demander ce que les inspirateurs du mouvement, en auraient pensé.Puis nous nous sommes promenés parmi les travaux de l’arménienne Nina (Visuel), qui élabore une singulière recette, alliant simplicité et pureté des volumes et tons et, onirisme et mythologie du sujet pour un résultat étonnament suggestif et sensuel à la galerie Debussi. Et avoir vainement cherché à nous émouvoir devant la phagocytose séquentielle de l’exposition d’Annie Kurkdjian à la galerie Théo de Seine.
La soirée avance, les visages deviennent familiers, vus et revus entre deux toiles, encore quelques belles collections à découvrir à la galerie Frédéric Got Fine Art où la collection est indeniablement le fruit d’un raffinement d’esthète, des clichés presque mythologiques et transperçants d’Elliot Erwin, aux sculptures déroutantes, de Jacques Le Besond, en passant pas le vautour en pneu et ballon de rugby recyclé perché au dessus de nos têtes rien n’est laissé au hasard,loin du charme débauché des errances bohêmes certes, mais ravissant. A l’entrée de la galerie LOFT, nous sommes accueillis par une énorme cigale, première surprise d’un parcours non moins inventif, ponctué par les travaux d’artistes chinois, hanté par l’imaginaire Disney proposent des créations aussi surprenantes que Mickey Mouse en porcelaine de Chine.
Alors que les galeristes lassés d’attendre un public que le temps maussade a rebuté , nous sommes attirés par les œuvres à la peinture crue, presque trop lourde pour la toile qui la supporte de Bargoni, la technique de l’Italien rappelle celle des expressionnistes du début du siècle dernier, en particulier Souvarine, qu’il met au service de l’abstraction. Des peintres qu’il avoue ne pas connaitre dans un français qu’enrobe un accent délicieusement prononcé, confessant que sa peinture « sort de lui, qu’il en accouche douloureusement ». Chaque coup de pinceau semble être un combat. Un combat immatériel vers la liberté contre le poids de la pesanteur. Un instant, on en oublie les toiles, la galerie Protée, prend des airs de Casa milanaise, sous les élucubrations du beau sexagénaire barbu, que sa femme sermonne affectueusement, alors qu’il s’enthousiasme « mon art est un examen de conscience, qui me dit qu’après tout je ne suis pas un grand pécheur” .
Visuel: (c) photos des expositions