
Otto Wagner, place à la modernité à la Cité de l’Architecture
Jusqu’au 16 mars 2020, la Cité de l’Architecture et du Patrimoine passe à l’heure viennoise, avec une immense (1 000 m2) exposition consacrée à l’architecte autrichien.
Cette exposition, Otto Wagner, maître de l’Art Nouveau viennois est une coproduction avec le Wien Museum qui a célébré l’année dernière le centenaire de la mort de l’homme. Cet événement déborde des cadres de sa discipline car il s’agit de la première monographie sur Otto Wagner. Né en 1841 et mort en 1918, les dates parlent et situent la vie de Wagner entre les embellissements chers au XIXe et la course au fonctionnalisme du XXe.
Dans un parcours qui passe visuellement du cocon au monumental, on entre de façon très précise dans la perception totale qu’avait Wagner de son art. Comme le souligne Hervé Doucet, l’un des commissaires, il se préoccupe autant de la fourchette que des cathédrales.
Le parcours ne s’y trompe pas en nous faisant passer sans cesse de l’intime au public. Du boudoir de sa femme Louise à la Caisse d’Epargne, le geste est le même, la ligne avance vers ce qu’on nommera le Bahaus. 500 objets sont montrés et recouvrent toutes les catégories : plans, dessins, meubles, peintures, maquettes….
Ce qui est fascinant, c’est l’avant-garde. Dès le début des années 1870, il pense un métro pour Vienne avec cette idée que “l’expansion d’une ville (…) est étroitement liée aux conditions de circulation (…).” Ses idées se diffusent dans toute l’Europe via des revues et un groupe d’étudiants, “les soldats de la modernité”, dont Josef Maria Olbrich qui donne naissance à la Sécession viennoise. Il s’agit d’un moment important de la modernité européenne. C’est une ébullition qui touche tous les arts et le commissariat nous donne l’occasion de voir l’affiche que Klimt a réalisée pour la première exposition de la Sécession. Sur le pavillon il est écrit : “à chaque époque son art, à l’art la liberté”. Tout ici oppose les anciens aux modernes.
Pourtant, Wagner ne renie pas l’histoire, il est plutôt un fin connaisseur et se place dans une filiation. Il s’agit de se servir de l’histoire pour proposer une architecture moderne. Cela s’exprime par les matériaux et l’esthétique. Alors, oui, ses bâtiments (le plan de la cathédrale de Berlin) comportent des coupoles mais elles sont en acier et ajourées. Et oui, quand il s’agit de penser une salle pour le bureau des dépêches du journal Die Zeit, il utilise l’aluminium pour asseoir l’actualité. Ici, les ampoules, comme chez Boltanski, sont laissées nues. Les lustres sont réduits à une structure.
Cette exigeante exposition bénéficie d’un commissariat franco-autrichien impressionnant : Hervé Doucet est maître de conférences en histoire de l’art contemporain, université de Strasbourg, le Dr. Andreas Nierhaus est conservateur au Wien Museum, Eva-Maria Orosz est conservatrice au Wien Museum, Emilie Regnault est attachée de conservation – adjointe au conservateur à la Cité de l’architecture et du patrimoine, Florence Allorent est attachée de conservation à la Cité de l’architecture et du patrimoine.
En 1914, Wagner publie Die Baukunst unserer zeit (L’art de bâtir notre temps). Il n’a jamais cessé de chercher des commandes pour pouvoir marquer la ville, conscient que les façades étaient des actes. Il a marqué Vienne, en dessinant des entrées de métro et la célèbre Caisse d’Epargne.
Cette plongée dans les racines de l’Art Nouveau prouve l’impact de la pensée de Wagner sur ses contemporains. L’architecture est ici montrée comme l’un des leviers pour changer une société, dans tous ses aspects.
Visuels :
Otto Wagner, Portail du bureau des dépêches du journal Die Zeit, Karntner Strasse 39, 1902 ©Vienne Wien Museum
©Otto Wagner, Die Postsparkasse-Dr
©Otto Wagner, Pavillon de Karlsplatz Vienne 1898 AC Manley Photo 12/ Alamy
©Otto Wagner, service à café vers 1895 Josef Carl von Klinkosch, Manufacture royale de porcelaine de Berlin© Vienne Wien-Museum