
Beatriz González, Rétrospective au CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux
Première rétrospective de l’artiste colombienne Beatriz González en Europe, cette exposition du CAPC à Bordeaux propose de découvrir un ensemble d’environ cent cinquante œuvres réalisées entre 1965 et 2017.
Ci-dessus la plus ancienne œuvre de l’exposition et qui marqua le début d’un mode opératoire auquel l’artiste restera fidèle : d’une image extraite des presses populaires (journaux, icones religieuses ou profanes) Beatriz González réalise un ou plusieurs tableaux. Déjà simplifiée par le traitement de la presse, l’image de ce couple tenant ensemble un bouquet de fleurs et nous regardant, provoque un trouble qui tient à l’absence de modelé, au choix de couleurs étranges en aplats et à la réduction au minimum du trait. Cette version de l’œuvre (dite n° 2) frappe par la symétrie de la femme et la dissymétrie de l’homme, ouvrant sur des perceptions contradictoires d’équilibre et de déséquilibre, de solidité et de fragilité, qui résonnent avec l’histoire de ce couple. Une autre version de la même œuvre (visible dans un film projeté), génère d’autres émotions, d’autres perceptions, questionnant le pouvoir de l’artiste et ce qui reste de ce couple après modifications en série.
Plus tard, le mode opératoire de Beatriz González va s’appliquer plus volontiers à la politique. D’abord avec humour, notamment par ces grands rideaux qui reproduisent le président colombien et ses acolytes, tous verdâtres, chantant à gorge déployée lors d’un cocktail officiel. Répétés en série sur une dizaine de mètres, l’image initiale subit (entre autres) les ondulations du rideau, déformant les visages et les corps de manière arbitraire et cocasse.
Mais, comme Beatriz Gonzalez le dit elle-même, l’humour ne fut un jour plus possible pour elle, quand la dictature colombienne se fit plus rude, et l’oppression plus meurtrière. On entre alors dans une période plus sombre avec la douleur pour objet, où Beatriz González se met en scène elle-même, assumant le témoignage, refusant la distance.
De la jeune artiste dont ses professeurs saluaient à son grand dam les qualités de finesse, à ses toutes dernières peintures marquées par les modifications de perception et d’exécution liés à l’âge, cette exposition rétrospective nous donne à sentir avec émotion la construction d’une œuvre artistique tissée de convictions et de contingences.
Infos : « Beatriz González, Rétrospective 1965 – 2017 » du 23 novembre 2017 au 25 février 2018.
Une exposition du CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux, du Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid et du KW Institute for Contemporary Art, Berlin.
Visuel : Óscar Monsalve