
Junk food : méfiez-vous des cheesecakes
Après les abus en tous genres des fêtes de fin d’année, commençons 2023 avec un album sur l’addiction à la nourriture, pour repartir sur des bases saines : Junk food, d’Emilie Gleason et Arthur Croque.
On a tous cet aliment qui nous fait immédiatement fondre les papilles, que ce soit du chocolat, un cheesecake ou des chips au vinaigre. Aussitôt en bouche, il nous réconforte, nous apporte une certaine satisfaction et nous pousse à continuer à manger. Mais si les publicités et les divers slogans officiels nous rappellent fréquemment que manger trop gras, trop sucré ou trop salé est mauvais pour la santé, c’est pourtant là que se loge le plaisir de manger. Et qui dit plaisir, dit possibilité d’addiction.
Junk food traite de l’addiction à la nourriture, souvent déclenchée chez les personnes à risque par le mélange entre gras, sucré et salé. En suivant Zazou, jeune fille boulimique qui cherche à sortir de ses troubles du comportement alimentaire, nous découvrons le large spectre de ces troubles aujourd’hui considérés comme une maladie. Emilie Gleason et Arthur Croque ont basé leur album sur de vrais témoignages recueillis en France et aux Etats-Unis, ainsi que sur des études de scientifiques et psychologues.
Autour d’une réunion des Food Addicts In Recovery Anonymous, les histoires se racontent, rappelant fortement celles de dépendance à la drogue ou à l’alcool. Mêmes pulsions de consommation, surconsommation, même dégoût de soi, isolement et toutes les répercussions sociales et familiales. Ici la drogue est légale, mais tout aussi dangereuse si l’on perd le contrôle. Et en dealer de première ligne, on trouve l’industrie agro-alimentaire, qui cache des sucres dans le moindre de ses produits.
Depuis Ted, drôle de coco, on reconnait aisément le style d’Emilie Gleason, à base de personnages aux corps élastiques à géométrie variable et de couleurs vives. L’ambiance générale est au dessin animé parfois un peu trash, souvent dans la surenchère des mouvements et expressions, pour un résultat très expressif. Le texte et les dialogues demandent un petit temps d’adaptation car ils sont très proches du langage parlé et mélangent néologismes, anglais et barbarismes dans un tourbillon typographique inventif.
Par moments, cette surenchère graphique associée à un vocabulaire parfois opaque peut saper le propos de l’album. On a du mal à placer le curseur entre la réalité et la fiction, et les scientifiques cités en perdent de leur crédibilité. On placera alors difficilement Junk food dans la catégorie vulgarisation scientifique, mais il permet malgré tout une ouverture sur un sujet souvent minimisé à coup de « c’est dans ta tête » ou « c’est juste une question de volonté ». une porte d’entrée décomplexée vers un sujet qui impacte tout le monde.
Junk food, d’Emilie Gleason et Arthur Croque
232 pages, 21€ – Casterman
Visuel : couverture de l’album