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Cannes 2019 : “5B”, documentaire aux splendides points de vue

Cannes 2019 : “5B”, documentaire aux splendides points de vue

31 May 2019 | PAR Geoffrey Nabavian

En retraçant l’histoire de la première unité d’hôpital qui s’échina à traiter humainement les malades du sida, ce film documentaire offre un parcours chronologique semé de points de vue passionnants.

En 1983, l’Hôpital général de San Francisco voit naître une unité destinée à soigner comme les autres services les malades atteints du sida : l’unité 5B. Ce documentaire présenté à Cannes 2019 Hors Compétition, signé par Dan Krauss, en collaboration avec Paul Haggis, donne à entendre son histoire, avec un montage organisé par thèmes, qui compose au final une chronologie. Parfaite idée : tous les aspects de ce récit, et toutes les spécificités de ce service hospitalier, sont donc portés sur l’écran, sous une forme qui laisse le temps de les comprendre. En lieu et place d’une approche purement historique et chronologique, qui aurait pu produire des effets trop dramatisés et précipités…

Certains des premiers soignants employés dans cette unité (tels Cliff Morrison, ou Mary Magee) livrent donc leurs témoignages : ils relatent en détails l’installation du service à son étage, et son organisation calquée sur les autres sections destinées aux soins, puis les comportements vite adoptés vis-à-vis des contaminés reçus (avec au premier chef, la peur d’être infecté, à oublier), ou encore la mise en place de l’accueil des visiteurs, ou de certains événements spéciaux – comme des fêtes – sensés conjurer l’atmosphère de mort ambiante. Les images d’archive sont là, mais les mots suffisent à faire surgir dans la pensée du spectateur des vues concrètes de ce service hospitalier. Le montage, intelligent, ni précipité ni trop insistant, contribue à cet effet.

Les visages des témoins convoqués apparaissent souriants, mais porteurs d’émotions justes, et surtout engagés dans le récit qu’ils font, tout simplement. Ils se mêlent fort bien aux archives choisies, toutes dynamiques, très “brutes” et pas du tout embellies pour certaines, et aucunement insistantes. Ainsi, loin d’apparaître comme un hommage empesé, le film paraît ressusciter, avec beaucoup de dynamisme, les faits qu’il décrit, et tente de parler de vie plus que de mort. Et le caractère collectif de la lutte pour qu’un tel lieu existe parvient parfaitement, à travers les images.

De par ses choix de réalisation, 5B transporte au final au coeur de son sujet et donne à évoluer une heure trente durant, presque au sens propre, dans le lieu qu’il décrit. Bien sûr, quelques événements ayant valeur de péripéties s’invitent dans le récit, telle la controverse posée par Lorraine Day et ses points de vue, réclamant davantage d’attention au sein de l’Hôpital, et plus de tests, pour éviter les contaminations par le sida. Un épisode traité avec une bonne distance. Mais malgré les sobres premières images, celles de l’unité à l’époque actuelle, déserte, c’est la vie et énergie qui paraissent habiter ce documentaire. Les mêmes qui habitèrent sans doute, par le passé, ces soignants, et leur permirent d’amener certains malades à survivre malgré la maladie, incurable.

Geoffrey Nabavian

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Visuels : © Saville Productions

© Ken Kobré

Visuel Une : © 5B Verizon Media

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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