
Vivre ensemble : Malaise dans la famille recomposée, par Emilie Frêche
Après Un homme dangereux (Stock, 2015), Emilie Frêche est doublement sous le feu des projecteurs pour son roman de la rentrée, Vivre ensemble : d’abord parce qu’elle a été attaquée par la femme du Président de l’Assemblée Nationale, Servane Servat de Rugy de « porter atteinte de manière répétée à l’intimité de sa vie privée et à celle de son enfant mineur » (texte publié en exergue du roman) et ensuite parce que l’écrivaine est une plume que l’on suit depuis longtemps…
Le lendemain du 13 novembre, Déborah et Pierre se disent que vivre et surtout vivre ensemble c’est maintenant. Ils emménagent avec chacun leur fils dans un appartement près de la gare du Nord. Mais si le rejeton de Deborah prend les choses avec humour, le jeune fils de Pierre, Salomon, 10 ans, se saisit avec rage d’un couteau de cuisine. Comment Déborah va-t-elle parvenir à expliquer à l’homme qu’elle aime qu’elle a peur de son fils sans massacrer leurs liens?
L’auteure de 24 jours, la vérité sur la mort d’Ilan Halimi (Seuil, 2009), Deux étrangers (Actes Sud, 2013) propose un roman noir et glaçant qui porte visiblement la trace de la violence du 13 novembre 2015. Son roman des familles se lit d’une traite, aussi analytique et caustique que du Mauriac. Il écrit noir sur blanc ce que de nombreux foyers recomposés traversent sans en parler : le refus violent de la nouvelle vie d’un parent d’un enfant et la difficulté pour un conjoint de se positionner face au fils ou à la fille de sa compagne ou son compagnon. Qu’est-ce qui est autorité, qu’est-ce qui est liberté ? Quand on vit tous ensemble, peut-on scinder couple et parentalité ? Qu’est-ce que prendre soin ? Autant de question importantes exprimées sans circonvolutions par Emilie Frêche dans Vivre ensemble. Une oeuvre d’autofiction sans concessions et qui aura certainement sa place dans les listes des candidats sélectionnés pour les prix de la Rentrée.
Emile Frêche, Vivre Ensemble, Stock, Rentrée littéraire 2018, 288 p., 18,50 euros
visuel : couverture du livre