
“Post-scriptum”: Toutes les subtilités d’un monde perdu par Alain Claude Sulzer
Alain Claude Sulzer, auteur suisse de langue allemande de l’excellent Un garçon parfait (2008) est de retour en cette rentrée littéraire avec un petit chef d’oeuvre à ne manquer sous aucun prétexte. Mise en perspective du devenir d’un acteur juif-allemand avant et après le nazisme, Post-scriptum a la précision et la cruauté qu’il faut pour renouveler tout un genre nostalgique.
[rating=5]
En 1933, Lionel Kupfer, acteur phare du cinéma allemand qui a juste passé la quarantaine, est en villégiature à l’hôtel Waldhaus à Sils-Maria. Là, il se demande quelle va être la suite de sa carrière avec l’influence grandissante du NSDA¨P, il reçoit des cartes postales de son amant, rencontre le jeune chef de la poste locale et brille de mille feux auprès de la veuve d’un grand industriel juif, dans le contexte immuable et chic du plus bel hôtel de la ville d’Engadin qui a vu se promener le grand Nietzsche. Le temps suspend son vol, mais les vacances sont aussi un adieu.
Attaquant le thème fascinant d’un monde d’hier cosmopolite (Berlin, Vienne, les grandes stations suisses New-York et l’Italie) brisé par l’Histoire, Alain Claude Sulzer marche dans les pas de Thomas Mann, Stefan Zweig et autres Klaus Mann avec une finesse, une précision dans le point de vue et une certaine cruauté subtile vis-à-vis de ses personnages qui réveillent le genre nostalgique Mitteleuropéen en allemand d’une nouvelle touche de modernité psychologique. Le jeu de temps et des points de vues est fascinant, celui des classes sociales est finement dépeint quant à celui des narcissismes et des sexualités, il est juste brillant. Un très grand roman d’un auteur immense à lire ou découvrir d’urgence.
Alain Claude Sulzer, Post-Scriptum, trad. Johannes Honigmann, Jacqueline Chambon/ Actes Sud, 288 p., 22 euros. Sortie en septembre 2016.
visuel : couverture du livre.
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