
“1988 Le débat Mitterrand Chirac” au théâtre de l’atelier, jubilatoire.
Le projet initié et produit par le Théâtre Montansier de Versailles dirigé par Geneviève Dichamp et Frédéric Franck fut de reprendre le débat Mitterrand-Chirac interprété par Jacques Weber et François Morel. Il est présenté à Paris au Théâtre de l’Atelier pour 6 représentations exceptionnelles du 2 au 7 mai 2017, entre les deux tours des élections présidentielles. Et c’est jubilatoire.
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Mitterrand-Weber entre sur scène et s’assoit, règle ses lunettes, il est déjà l’empereur, Morel-Chirac s’assoit en face de lui en bord de chaise; il est le dauphin, le outsider. Il ne parviendra pas à se départir de cette position. Mitterrand gagnera les élections face à son premier ministre de cohabitation.
La pièce est remarquable par la mise en perspective trente ans plus tard d’un débat qui appartient à notre mémoire collective avec quelques tirades inoubliables. “Vous avez tout à fait raison Monsieur le premier ministre”.
Interrogé Jacques Weber soutient: “il y a bien quelque chose de shakespearien dans ce combat d’homme à homme, un Prince défie le vieux Roi. De la mort de l’un, du triomphe de l’autre dépend la destinée du royaume.” S’il y a aussi quelque chose de Molière dans ce Mitterrand Tartuffe, car on rit sans cesse de ses théâtreuses facéties, Weber dans sa référence à Shakespeare a raison car ce débat fut une mise a mort.
Nous pourrions voir Racine aussi dans le meurtre du pauvre Britannicus-Chirac. Dans l’après coup surgit ce que doit à Néron l’action de Mitterrand. C’est une magnifique leçon de politique que nous laisse cette pièce, celle de savoir à la veille d’un autre débat être moins dupes des semblants des princes.
Mais la pièce est aussi une réflexion sur le théâtre. Le théâtre commence dès que l’un prend la parole pour convaincre ou manipuler l’autre. Le théâtre est antérieur à la culture même. Et rien n’est possible sans un tiers, un témoin, un complice. La mécanique du théâtre fonctionne ainsi avec un public, un spectateur; ce motif est appuyé par Magaly Rozensweig qui réussit admirablement sa proposition d’une Michèle Cotta, cheffe d’orchestre dépassée.
Francois Morel construit un Chirac tel qu il fut sympathique mais immature. Mitterrand était un littéraire. Le texte est magnifique et Jacques Weber aime et honore les grands textes. Immense acteur il aura inventé son Mitterrand. Weber artiste, son Mitterrand le dépasse pour devenir pour chacun de nous un autre Mitterrand, le nôtre. C’est épatant.
1988 LE DÉBAT, MITTERRAND - CHIRAC JACQUES WEBER - FRANÇOIS MOREL et Magali Rosenzweig 6 REPRÉSENTATIONS EXCEPTIONNELLES Du mardi 2 au samedi 6 mai 2017 à 21h; En matinée dimanche 7 mai 2017 à 16h. Durée :1h30