
Mathieu Bauer installe Evelyne Didi dans le château de Barbe-Bleue
Le directeur du Nouveau Théâtre de Montreuil, Mathieu Bauer est un amoureux du son. C’est donc sans surprise qu’on le retrouve à la Pop, l’incubateur des musiques mises en scène, pour faire flotter l’opéra de Béla Bartók (1910). Une performance abrupte.
Dans la péniche-salle de spectacle, les fauteuils sont placés de façon à laisser un couloir libre. Dans un coin, un ersatz de cuisine, et tout le long de la pièce, une corde à linge sur laquelle sèchent des photos. Au-dessus de nous, on pense apercevoir Les larmes de Man Ray. Les larmes et les eaux sont les fils conducteurs de cette performance aride. Judith a vieilli, elle est seule au château, désormais à vendre, comme le signale un panneau, et elle cherche, enfermée derrière la septième porte, à percer le mystère de son tyran. Que sont devenues les autres épouses ? Quel est ce lac ? Pourquoi a-t-il autorisé à ouvrir des portes ? Pourquoi interdit il à sa femme de poser des questions ?
Elle dit :
« Tu as ouvert la porte et je suis rentrée !
J’ai vu l’intérieur, obscur, froid, sombre, et les murs humides
De l’eau ruisselante sur mes mains
Ton château pleure, ton château pleure !
Mathieu Bauer se sert du livret, réécrit et augmenté par les textes de Georges Didi-Huberman, de l’opéra de Béla Bartók, pour transformer Barbe-Bleue. Dans les mots de sa femme, il est une énigme qu’elle veut percer, par le cri, par le chant, par les larmes.
Il y a du chaos ici, et de la violence dans cet exercice qui vient réinventer le principe de partition. Tout est note dans Les larmes de Barbe-Bleue. Le corps de la comédienne, sa voix, ses gestes, ses mots.
Les larmes, et c’est là le but du spectacle, provoqueront des sensations très singulière, allant de l’interdit à l’étonnement. Quand Mathieu Bauer décide de nous mettre face à une scène de « concert », à la forêt suggérée, les choses se calment et la mélancolie peut surgir si on l’autorise à ouvrir la porte.
Visuel : © Jean-Louis Fernandez