
Manon à l’Opéra Bastille : l’œuvre de Massenet dans le miroir éclaté des Années folles !
« Aimons, rions, chantons sans cesse », proclame Manon, encore plus attirée par les bijoux et la vie facile que par son amour, pourtant sincère, pour le Chevalier des Grieux. Si cet opéra inspiré par le roman de l’abbé Prévost est devenu l’un des plus populaires de Jules Massenet, c’est que le drame y prend corps dans une expression musicale aussi féconde que variée. Alternant récitatifs, formes musicales évoquant le XVIIIe siècle et grands airs lyriques ou virtuoses (« Manon, sphynx étonnant », « Je marche sur tous les chemins »), la partition renouvelle les conventions de l’opéra-comique. Au-delà de l’histoire d’une passion amoureuse, l’œuvre dresse un tableau des mœurs de la Régence autant qu’elle reflète celles de la Troisième République – période de la création de Manon. Cette société du plaisir qui cache soigneusement la brutalité et le sordide, c’est aussi celle des Années folles que Vincent Huguet choisit comme écrin pour sa mise en scène ».
L’Opéra de Paris reprend Manon, chef-d’œuvre de Jules Massenet dans une mise en scène spectaculaire signée Vincent Huguet. En transposant l’intrigue dans le Paris des années 1920, le metteur en scène explore, entre légèreté et perdition, les contradictions d’une héroïne en quête de liberté. Avec une distribution cinq étoiles et un jeune chef à la baguette, cette version modernisée qui mêle glamour, passion et drame promet d’être bluffante. Créée en 1884 à l’Opéra-Comique, Manon de Jules Massenet n’a jamais quitté le cœur du répertoire lyrique français. Ce portrait musical d’une jeune femme emportée par ses désirs trouve, sous la direction scénique de Vincent Huguet, un nouvel écrin aux lignes Art déco dans le Paris vibrant des Années folles. Il y a dans Manon de Jules Massenet une tension constante entre l’ivresse du monde et le poids de la destinée, entre l’éclat de la jeunesse et l’irrévocable de la chute. En replaçant l’action dans le Paris effervescent des Années folles, Vincent Huguet fait le pari d’actualiser ce dilemme avec les codes d’un autre âge d’or – celui des cabarets, du jazz et des illusions modernes. D’ailleurs le metteur en scène n’a pas hésité pas à bousculer le livret. Exit l’auberge d’Amiens et les calèches, voici le spectateur plongé dans les clubs enfumés, les lumières des cabarets et les costumes de garçonne.
Une transposition audacieuse, où la figure de Manon, toute en contradictions, épouse l’esprit d’émancipation féminine des années folles. Adieu désert de Louisiane, Manon finit dans la proposition de Vincent Huguet fusillée dans une prison, dans une scène aussi glaçante que spectaculaire. Un choix audacieux qui accentue la modernité et la noirceur du propos. Les décors d’Aurélie Maestre frappent par leur sobriété graphique et leur intelligence scénique. Art déco épuré, perspectives élégantes et clins d’œil à l’architecture des Grands Boulevards créent un écrin lumineux et changeant, à la fois réaliste et stylisé. Les costumes de Clémence Pernoud, inspirés de la mode des années 1920, traduisent la verticalité sociale de l’intrigue?: les robes lamées de Manon répondent aux smokings stricts des aristocrates. Un soin apporté au détail qui devrait participer à la cohérence d’ensemble de la production. À la direction musicale, le jeune chef Pierre Dumoussaud, 33 ans, devrait confirmer l’étendue de son talent. Lauréat du Concours de l’Opéra Royal de Wallonie et ancien assistant de Marc Minkowski, il devrait imprimer une tension dramatique tout en conservant les couleurs tendres et les éclats sensuels de la partition. Côté distribution, le casting cinq étoiles promets de beaux moments d’émotions. Rappelons que cette production créée en 2020. avait été marquée lors de sa reprise en 2022 par plusieurs changements de distribution, notamment le remplacement du ténor initialement prévu, Joshua Guerrero ( Des Grieux) par Roberto Alagna lors d’une représentation unique le 17 février 2022.
La bonne nouvelle qui ravira les aficionados : Roberto Alagna reprendra le rôle les 9, 11, 14, 17, 20 juin en alternance avec le ténor français Benjamin Bernheim qui devrait offrir au public un Des Grieux bouleversant. Sa voix claire et puissante, capable d’envolées romantiques comme de douleurs retenue promet d’électriser la salle. Timbre riche, diction impeccable et merveilleuse grâce scénique, la soprano égyptienne Amina Edris (Manon) promet de camper une Manon à fleur de peau, tour à tour ingénue, séductrice et tragique. Doté d’une basse ample et expressive, Nicolas Cavallier (le Comte des Grieux) promet lui d’incarner un père rigide mais humain. Membre de la troupe de l’Opéra de Paris, Nicholas Jones (Guillot de Morfontaine) devrait camper ce libertin grotesque mais inquiétant, avec une belle présence scénique, tandis que le baryton français Régis Mengus (Lescaut) cousin fanfaron et roublard, devrait lui aussi empoter l’adhésion du public par son aisance vocale et sa théâtralité. Mise en scène audacieuse, direction musicale raffinée et distribution vocale de premier plan, cette reprise de Manon à l’Opéra Bastille promet une relecture captivante de l’œuvre de Massenet, invitant le public à redécouvrir ce classique sous un jour nouveau. Pensez vite à réserver !
Jean-Christophe Mary
Du 26 mai au 20 juin 2025
Opéra Manon de Jules Massenet à l’Opéra Bastille
Opéra-comique en cinq actes et six tableaux (1884)
3h50 avec 2 entractes
D’après le roman de l’abbé Prévost
Équipe artistique
Musique : Jules Massenet (1842-1912)
Livret : Henri Meilhac
Direction musicale :
Chef des Chœurs : Ching-Lien Wu
Mise en scène : Vincent Huguet
Décors : Aurélie Maestre
Costumes : Clémence Pernoud
Lumières : Christophe Forey
Chorégraphie : Jean-François Kessler
Distribution
Manon : Amina Edris
Le Chevalier des Grieux 26, 29 mai, 1, 6 juin : Benjamin Bernheim
Le Chevalier des Grieux 9, 11, 14, 17, 20 juin : Roberto Alagna
Lescaut : Andrzej Filo?czyk
Le Comte des Grieux : Nicolas Cavallier
Guillot de Morfontaine : Nicholas Jones
De Brétigny : Régis Mengus
Poussette : Ilanah Lobel-Torres
Javotte : Marine Chagnon
Rosette : Maria Warenberg
L’Hôtelier : Philippe Rouillon
Deux gardes : Laurent Laberdesque et Olivier Ayault
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris