[Avignon off] « Quand j’étais Charles » : Melquiot, Aznavour, les amours, les emmerdes…
Entre les moissonneuses-batteuses et les paillettes du show-biz, il y a un monde dont se saisit comme d’une bouée de sauvetage le personnage de Quand J’étais Charles à l’épreuve d’une rupture sentimentale et de la morosité de l’existence. Fabrice Melquiot écrit et met en scène un monologue drôle et touchant créé au Préau, le Centre Dramatique Régional de Basse-Normandie – Vire et donné cet été au théâtre Girasole dans le off d’Avignon.
L’homme est un fan inconditionnel d’Aznavour. Au travail, il vend des machines agricoles. Le vendredi soir, il se rend immanquablement à l’Attitude Club pour le karaoké hebdomadaire et donne de la voix sur ses refrains préférés du grand Charles. Le chanteur est au centre de sa vie. Maryse aussi, la femme qu’il aime plus que tout depuis le lycée. Pourtant son histoire d’amour s’effrite après vingt ans de mariage. Une fois l’avoir trompé avec le pharmacien sur la banquette arrière de sa Toyota, et sûrement avec d’autres hommes, elle décide de le quitter. Les relations conflictuelles avec son fils – un blaireau dit-il – et les charlataneries d’un docteur marabout n’arrangeront rien à sa triste histoire.
Pour écrire sa pièce, Fabrice Melquiot ne cache pas s’être inspiré de véridiques récits d’un garçon croisé dans le Morvan. Il y a en effet quelque chose d’authentique qui résonne dans ce texte savoureux en anecdotes qui décrit avec justesse et empathie la rugosité de la vie rurale en Province sans tomber dans la caricature, le mépris ou la naïveté.
La représentation est à l’image de ses mots, simple et incisive, évidente. Le comédien Vincent Garanger possède une forte présence, une verve populaire, un plaisir du jeu qui conviennent bien à son personnage lucide, franc, fonceur et blessé. Il se présente à nu juste derrière un pied de micro, avec ses excès et ses fêlures. Seul en scène, il parvient à faire exister l’ambiance miteuse et néanmoins chaleureuse de la boîte, le petit monde haut en couleur qui l’entoure, et cela juste au moyen d’un jeu de masques et en assumant toutes les voix. Il y a bien quelques longueurs mais l’épaisseur humaine l’emporte. Avec cette histoire toute simple, Fabrice Melquiot nous dit et prouve que « les blessures produisent aussi de la lumière ».
Crédit Photo © Tristan Jeanne-Valès
Au Théâtre Girasole, 24 Rue Guillaume Puy, 84000 Avignon. 04 90 82 74 42.