Théâtre
Représentations de Chine(s) sur les planches

Représentations de Chine(s) sur les planches

30 May 2014 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Voir du théâtre en langue étrangère cela est loin d’être une nouveauté. La discipline n’a pas attendu la technique et les livrets ont précédé aux bandeaux électroniques, mais le spectacle vivant semble peu accueillir la Chine.

Traditions

En mars 2014, le Palais des sports accueillait le Ballet de Shanghai qui n’était pas venu à Paris depuis 28 ans. Il avait tenté de conquérir le public parisien avec A Sign of love, création de 2006 du français Bertrand d’At, disciple de Maurice Béjart qui avait été invité à Shanghai pour l’occasion. La jeune troupe nous livre un spectacle à l’image de sa ville d’origine. Shanghai a souvent été qualifiée de « plus occidentale des villes asiatiques », et l’époque des années 30 que Bertrand d’At choisit pour cadre de l’histoire inspirée d’In the Mood for love (Wong Kar-Wai) a tout pour séduire le public européen : jazz, guerre et, bien sûr, passions frustrées.
Le spectacle ne séduit pas, l’émotion est signifiée par le biais de gestes caricaturaux (hésitations des amoureux, fausses sorties de scène à foison, mains qui s’effleurent et rougissent de s’être effleurées), mais ne semble pas vécue. En résulte un mélange étrange, cette contradiction voulue qui frustre certainement le spectateur, mais incarne néanmoins la réalité d’une Chine prise entre tradition de retenue orientale et influence jazz occidentale. Malgré une technique remarquable et des scènes de groupe très bien chorégraphiées, on avait alors regretté le pittoresque un peu facile des costumes et des décors, ainsi que l’absence – incompréhensible – d’un travail plus poussé de la lumière.

Du 6 au 15 juin la MC93 donnera La Veuve et Le Lettré avec cet argument « La forme ancienne du Liyuan n’empêche rien à la modernité de La Veuve et le Lettré . C’est un théâtre bâti sur les ambiguïtés, les stratagèmes, les amours brûlantes, les petites lâchetés, le désir. C’est un texte qui offre aux comédiens une partition faite d’émotion, de parodie, d’humour. C’est chanté, dansé, joué par de remarquables comédiens avec à leur tête une des plus grandes comédiennes de Chine. Le Nanyin, la musique délicate du sud de la Chine, entoure la pièce comme une caresse. Pas de folklore, mais une leçon de théâtre où tout est à sa place : musique, décors, costumes, lumières et bien sûr, les acteurs. Tout ce qui fabrique de la contradiction en nous est restitué avec élégance, sûreté, talent : pudeur, désir, humiliation, révolte, violence, amour ».

Plus doux, Le Théâtre Paris Villette a cette année,  à l’occasion de sa réouverture proposé Contes Chinois. Sur scène Chen Jiang Hong dessinait à l’encre de Chine. La mise en scène est de François Orsoni qui explique bien son idée : “« J’ai voulu retranscrire l’intime et le ludique d’une lecture qu’on ferait dans une chambre, pour un enfant, le soir au coucher. La mise en scène s’appuie sur un dispositif vidéo : les illustrations de Chen sont filmées ou enregistrées, et projetées sur scène. »


Contes chinois-teaser- par Paloana

Denoncer : le job d’Angélica Liddell

La performeuse et metteuse en scène est l’une des rares à parler de la Chine sur les plateaux.PING PANG QIU - D’abord très clairement avec Ping Pang Qiu en 2013, une coproduction Madrid – Séoul – Shanghai On peut lire dans la note d’intention “Dans ce spectacle, il est question d’amour, mais d’un amour contradictoire : celui d’Orphée pour Eurydice à qui, par amour, il donna une seconde fois la mort ; celui d’Angélica Liddell pour la Chine, gouvernée par un régime en contradiction avec toute quête de beauté et de liberté.

« Voilà pourquoi je parle de mon amour de la Chine, parce que plus tu aimes la Chine, plus tu ressens de la tristesse, parce que la Chine n’existe pas, la Chine est la destruction de la Chine. » >En Chine, Angélica Liddell se sent tellement étrangère, tellement seule, qu’elle y trouve une certaine paix, une paradoxale liberté.

En 2014, Angélica Liddle met en scène Le syndrome de Wendy,La première partie du spectacle est d’une facture proche de l’inabouti avec un décor inesthétique et de fortune (des crocodiles volants, un monticule de terre, des sapins de plusieurs tailles, des peluches, des coiffes d’indiens, quelques chaises, un podium), une succession de scènes répétitives et sans liens, un rythme qui piétine… mais elle témoigne d’une ouverture à la culture chinoise qui passe pour une nouvelle étape personnelle et artistique de l’artiste. Angelica Liddell s’est rendue en voyage à Shanghai et a rencontré dans son nouveau havre de paix, un couple de septuagénaires chinois, amateurs de danse de salon, qu’elle a rêvé voir à ses côtés sur scène, danser les valses composées du sud-coréen Cho Young Wuk, une musique qu’elle adore et qui l’émeut jouée en direct par l’ensemble d’instrumentistes PHACE. Elle leur a demandé de la suivre pour sa nouvelle création, ce qu’ils ont fait. Ce témoignage d’une réelle expérience humaine et partagée tombe comme un cheveu sur la soupe mais donne lieu à un moment attendrissant bien que longuet.Car Ping Pang Qiu est aussi le fruit d’un autre apprentissage : celui de la solitude”.

Angélica Liddel donne à voir des images volontairement stéréotypées. Dans Ping Pang Qiu elle dénonce la dictature, dans Todo sobre el Cielo ( Le syndrome de Wendy) elle convoque des images de beauté pour ensuite les vomir.

Nous avons donc une représentation en pointillé de la Chine, plus que bancale, et plus que clairsemée. Officielle, critique ou traditionnelle.

© Yuan Wei et Hai Qing • Libres de droits pour tout support
et © Ping Pang Qiu Christophe Raynaud De Lage

Gagnez 5×2 places pour « Adieu au Langage » de Jean-Luc Godard
En juin, revivez le Festival de Cannes et profitez aussi de la reprise de la Semaine de la Critique
Avatar photo
Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration