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Cannes, Jour 8 : le mélodrame d’Hazanavicius, l’humour de Dumont, le buzz Godard et le génie Dolan

Cannes, Jour 8 : le mélodrame d’Hazanavicius, l’humour de Dumont, le buzz Godard et le génie Dolan

22 May 2014 | PAR La Rédaction

Le film choc de la journée a été l’Adieu au langage de Jean-Luc Godard, avec une montée des marches sous un soleil battant sans réalisateur et, en guise de mot d’excuse, une lettre filmée. Une séance unique dans la journée, prise d’assaut. Pour retrouver un esprit éternellement libre, moqueur, cultivé, talentueux, signant un film en 3D regardant vers le passé. Applaudi par une assemblée qui a bien ri, JLG était le lutin malicieux qui a rajeuni tout le monde en ce 21 mai ensoleillé.

La projection matinale nous a plongé à 8h30 dans la Tchétchénie en guerre de l’année 1999. Filmé de manière très classique par Michel Hazanavicius, The Search est un mélodrame un peu fade, témoin d’un étalement de sentimentalité d’autant plus dommage que le sujet en lui-même est terriblement grave et émouvant. On en sort comme d’un cours sur la résilience, la banalité du mal et l’importance de l’ingérence dans un monde indifférent. Reste la bonne direction d’acteur pour ce qui est du jeune comédien de 9 ans, et le sourire irrésistible de Bérénice Bejo. Pour lire notre critique de The Search, cliquez.

Du côté de la Quinzaine, on n’y croyait pas, mais si : le grave Bruno Dumont a tenu la salle en fou rire pendant 3h20 avec les quatre épisodes de sa série P’tit Quinquin. Parfois politiquement incorrect, souvent brusque sur les questions religieuses, ce film va faire parler de lui ! Pour lire notre article sur P’tit Quinquin, cliquez.

La matinée a continué sur un mode politique avec le magnifique documentaire réalisé par Sergei Loznitsa sur les manifestants de la place Maïdan, à Kiev. Dans son style à la fois glacé et vibrant qu’on avait découvert l’an dernier avec Dans la brume, en compétition officielle à Cannes, Loznitsa a suivi la vie et les attaques qu’ont connues les manifestants opposés à Viktor Ianoukovytch, défilant Place de l’Indépendance. Il y a les victuailles à préparer, les prêches du pope, les discours politiques ; puis, plus tard l’afflux de protestataires et la répression terrible, du 18 au 22 février. Posant sa caméra de manière fixe et laissant la foule évoluer autour de ce cadre, le réalisateur propose deux heures de photo-journalisme animé, quasiment sans commentaires, à part quelques repères chronologiques, et sans dialogues, à part quelques chansons (dont l’hymne et “Vitia chao”) et le brouhaha. Le résultat est une immersion terrible et de toute beauté, Place de l’Indépendance, à Kiev, de novembre 2013 à mars 2014. 100 heures de rushes montés avec maestria. Maïdan, un coup de coeur très marquant pour notre rédaction. Critique à venir.

A 14h, moment inoubliable, l’équipe a réussi à se retrouver pour une activité très inhabituelle à Cannes : déjeuner. Un brin de vent, un rayon de soleil et quelques légumes verts (on avait oublié jusqu’à leur existence) et nous étions les rois du monde pour débriefer sur les 3/4 du festival.

A partir de 15h, on ne pouvait plus circuler sur la Croisette tant la foule se pressait pour découvrir le film très attendu de Jean-Luc Godard, de retour en compétition officielle après plusieurs années d’absence depuis Eloge de l’amour. Lunettes 3D sur les yeux, le théâtre Lumière s’est transformé en grand fan club de JLG. Rires, applaudissements, cris de fans, toute la panoplie était là, ainsi que – tout de même – les acteurs du film. Mutin, Godard avait préparé une surprise à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, avec une lettre d’excuse  qui prend la forme d’un petit film où il annonce entre ton prophétique et blague de potache : “Je ne fais plus depuis longtemps partie de la distribution. En fait je suis d’autres pistes…”. Faisant clasher les sons et les images, se moquant de lui-même en disant qu’il va “retourner à ses frais en 1968”, Godard finit ces 8 minutes de collage par le “Take this Walz” de Leonard Cohen et un énigmatique « Ceci n’est plus un film, une simple valse, cher Président »… Jouissif ! Sinon, Adieu au langage, hum… Notre critique, qui va démêler bien des choses dans notre tête, est à venir.

Pendant ce temps, une autre partie de l’équipe se rendait à un autre événement : la deuxième projection de la première réalisation de Ryan Gosling, Lost River. Que du bon pour vous, mesdemoiselles, et pour vous messieurs : du sang, des effets chocs, un décor de ville fantôme, un club malsain, une Saoirse Ronan aux cheveux noirs, un psychopathe… Y manque juste un scénario un peu plus consistant : le film n’est trop souvent qu’une suite d’effets… Pour lire notre critique de Lost River, cliquez.

L’équipe assurant la première partie de la nuit s’est revêtue de chic et de blanc pour aller découvrir sur le toit même du Palais l’élégant et très privé Mouton Cadet Wine Bar. La Soirée White réunissait une jet set très élégante toute vêtue de blanc autour d’une dégustation. “L’atelier des sens” : voici le nom de la nouvelle expérience organisée par Mouton Cadet dans plusieurs villes de France. Il éveille, comme son nom l’indique, tous nos sens : la vue, sollicitée pour reconnaître les techniques de vinification, l’odorat, stimulé à l’aveugle et permettant ainsi de déterminer les notes aromatiques, et le goût, mis en éveil grâce aux accords mets à déguster / vins. Dans le soleil couchant, puisque le thème était “blanc”, c’est frais et bien secs que nous avons dégusté le Mouton Cadet cuvée 2013, accompagné d’huîtres blanches. Le tout dans une ambiance très festive, que les dandys skieurs de Val d’Isère connaissent bien : en arrivant, un concert violon/voix nous attendait, et puis un mix irrésistible aux platines a pris place en deuxième partie de soirée. Voir le soleil se coucher sur la mer depuis le Palais du Festival, dans tout ce blanc luxueux nous a donné l’impression d’être les rois de Cannes pour un instant d’éternité. On a compris pourquoi les stars venaient se ressourcer dans le calme du Mouton Cadet Wine Bar à toute heure de la journée et de la soirée.

Journée qui s’est terminée comme elle a commencé : en cinéma. Nous avons choisi la séance la plus tardive pour le film de Xavier Dolan en compétition, Mommy. Comme tout Dolan, cette histoire de relation entre une mère courageuse et un fils maladivement hyperactif est tellement originale qu’il nous faut encore un peu de temps pour décanter les couleurs, les sons, et la manière si fougueuse qu’à notre jeune réalisateur de prendre à bras-le-corps des émotions humaines fondamentales. Mais d’ores et déjà, nous sommes sûrs qu’il s’agit de l’un des chefs-d’œuvre de cette compétition. Couleurs automnales, BO nostalgique sortie des années 1990, enchantement d’un quotidien de Desperate Housewives par la danse, la cuisine, la folie douce, style incroyable d’Anne Dorval… tout est magnifique. En unifiant parfaitement l’intrigue, dans un film fluide et ramassé (2h14), Dolan semble avoir donné plus de cadre à sa créativité, sans renoncer à la rage de vivre et de dire comme unique ligne de fuite. Critique de Mommy à venir, demain.

Steven Guyot, Geoffrey Nabavian et Yaël Hirsch

[Cannes, Un certain regard] « Lost River » : Ryan Gosling et son cirque morbide
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La Rédaction

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