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[Carnet de voyage] Pérégrinations culturelles  dans la baie de Tampa

[Carnet de voyage] Pérégrinations culturelles dans la baie de Tampa

27 March 2015 | PAR Yaël Hirsch

Peut-être moins connue que la brillante Miami ou qu’Orlando, capitale d’état proche de Dinseyland et Legoworld, la ville de Tampa, en Floride, ouvre sur une baie au climat idéal, où les orangers et les alligators n’ont pas bloqué la voie à la culture artistique, bien au contraire. Toute La Culture est allé faire un petit tour des musées de la région.

Si la région est très plate et difficile à arpenter sans voiture, la ville de Tampa est à 30 min de son aéroport. Le cœur de la ville est très agréable le long d’un bras d’eau, que domine la grande bâtisse conçue pour le pionnier H B Plant (il a désenclavé la région en y amenant le train), désormais habitée par l’Université. A l’intérieur de ce palace orientalisant qui oscille entre le Kremlin et Sainte-Sophie, un musée des collections personnelles de est toujours accessible.

De l’autre côté de la rivière, le Tampa Museum of Arts est installé dans une jolie structure qui semble accrochées à ses escaliers vertigineux. En plus des collections permanentes, qui commencent avec la Grèce ancienne, les expositions temporaires valent vraiment le détour. Nous avons eu la chance de faire un jolie plongée dans l’Americana la plus fine, avec un rétrospective des œuvres du dessinateur et peintre américain Norman Rockwell (1894-1978).

American Chronicles: The Art of Norman Rockwell
Peu apprécié par les critiques d’art (auxquels il a rendu la monnaie de leur pièce dans un dessin hilarant montrant un vieux barbon penché sur un Rubens), Rockwell a brossé le portrait des Américains avec tendresse, ironie et un réalisme très poétique, à la une de l’hebdomadaire national, le Saturday Evening Post de la Première Guerre mondiale à la mort de JFK. Alors qu’en France on connaît surtout son autoportrait malicieux (voir image), traverse son œuvre (grâce aux collections de son musée, situé dans le Massachusetts) permet de revivre l’Histoire du pays au 20ème siècles dans ses aspects les plus politiques (portraits d’hommes politiques, campagne de publicité pour l’achat de bons du trésor pour l’entrée en guerre de 1941, illustrations poignantes sur la ségrégation raciale pendant la lutte pour les Droits civils), les dessins de Rockwell interrogent plutôt l’American Way of life : ses enfants malicieux pour les paquets de Kellogs, ses couples oscillants et ses familles réunies pour Thanksgiving et Noël sont emprunt de grande vague de réalisme et de tendresse. Sous un trait faussement naïf, l’illustrateur expérimente également le rapport à la photographie et sa manière de se réinventer sans jamais sortir de son style si reconnaissable explique bien pourquoi des faiseurs de mythes américains comme Steven Spielberg ou Georges Lucas l’admire, le vantent et le collectionnent. Un morceau d’histoire nationale, donc, à Tampa qui abrite aussi un musée pour les enfants, le Glazer Children’s Museum et un Centre de Photographie très actif : le Florida Museum of Photographic Art.

Le Lifestyle de Tampa
Du côté des festivités, c’est le tourisme qui a inspiré au County sa plus belle légende : celle d’un capitaine espagnol, José Gaspar (Gasparilla) qui aurait envahi la baie de Tampa. L’histoire a été imprimée dans un guide au tournant du siècle et est tellement appréciée des locaux qu’ils ont fait du mythique pirate leur figure tutélaire. Et qu’ils le célèbrent chaque année avec le Gasparilla Festival qui réinvente chaque mois de janvier l’abordage fictif de la ville par le capitaine. Le maire de Tampa lui donne les clés et c’est l’occasion d’un joyeux carnaval, d’un festival de cinéma, d’exposirtions et d’organiser une course. Le Gasparilla a aussi ses offs et influences quelques performances « Pop up » tout au long de l’année.
Côté restaurant, au cœur du vieux quartier de Ybor, optez pour l’ambiance Latina irrésistible du plus vieux restaurant de la région, le Columbia, tenu par la même famille depuis 1905 et où les tapas et la nourriture cubaine apportée par des serveurs en livrée saura vous transporter. La sangria, blanche ou rouge, y est de mise, pour se désaltérer (2117 East 7th avenue). Envie d’une ambiance moins latine et d’un vrai steak à l’Américaine ? Non loin du centre économique de la ville,vous opterez pour Fleming’s, un restaurant et bar à vin spacieux et moderne, où vous pouvez déguster d’immenses pièces de boeufs et des macaronis au fromage, perché sur des tables parfaitement design. Enfin, Tampa est aussi une ville de musique et de fête. Pour un Cocktail accompagné de jazz ou de DJing live, rendez-vous dans le grand espace parfaitement aménagé du Fly (1202 N Franklin St, Tampa, FL 33602). Et le week-end, emmenez votre verre sur le toit pour un aperçu nocturne de la skyline de la ville.

La plus grande collection Dali
En dehors de Tampa, l’autre ville importante de la région est St Petersbourg. Très éloignée de l’originale russe, cette ville balnéaire de 250 000 habitants propose une longue promenade le long de son port, un grand prix tout à fait élégant une fois par an et offre à ses visiteurs la possibilité de découvrir des musées tout à fait surprenants. Le plus impressionnant est le Musée Dali, niché dans un bâtiment ovoïde à la vue magnifique et qui contient la plus belle collection privée des œuvres de l’autre génie espagnol du 20ème siècle.

Les fondateurs, Reynolds et Eleanor Morse, ont rencontré Dali lors d’une grande exposition qui lui était dédiée au MOMA en 1943. Dès lors ils sont restés en contact et ont collectionné les œuvres du maître. Leurs œuvres des années surréalistes sont à faire pâlir à la fois le MOMA et le Centre Pompidou : une bonne dizaine d’huiles sur toile de grande taille des années 1930 et 1940 permet de se confronter aux thèmes chers à Dali : paysages catalans, grand masturbateur, fonctionnaire moustachu, Guillaume Tell, horloges fondues, figures d’hommes évanescents et corps de femmes surexposés. Pour un aperçu, c’est ici.

Il y a aussi le visage de Gala qui sert de guide, jusqu’aux toiles immenses et moins connues des années 1950 et 1960 où l’artiste a décide de bouder l’expressionnisme abstrait pour revenir à un cadre catholique et classique qu’il sait rendre pop (Le Toréador hallucinogène) historique (fabuleuse découverte de l’Amérique par Christophe Colomb) ou baroque (la Conseil oecuménique). Sa quête de sens de de mystique à travers des molécules d’ADN ou de sel (La Désintégration de la persistance de la mémoire) rejoint les préoccupations grandioses de sa fameuse Cène exposée à la National Gallery de Washington.

En plus de ses riches collections, le musée Dali propose des expositions temporaires, avec en ce moment “Dali and Da Vinci: Minds, Machines & Masterpieces”, un parallèle avec l’œuvre de Leonard de Vinci, autour de la Cène, justement, du Léda mais d’autres œuvres plus psychédéliques, dont un des premiers films d’art vidéo et un hologramme. A travers les siècles et des figures intermédiaires, comme Sigmund Freud, c’est l’idée d’artiste total que l’exposition interroge, avec pédagogie et talent.

Art et poisson, les pieds près de l’eau
Aux côtés de ce musée Dali exceptionnel, le musée d’Histoire de la Floride permet de mieux connaître la région, tandis que le Museum of Fine Art (MFA) n’est pas en reste, avec des patios de sculpture et des galeries interminables qui vont de la Grèce antique à l’art numérique en passant par une jolie collection d’art amérindien, quelques Monet et de magnifiques Georgia O’Keeffe. Le MFA fête cette année 2015 ses 50 ans et propose des expositions temporaires très bien construite. L’expo Monet to Matisse – On the French Coast parle bien de l’impact des côtes française sur les peintres de Monet à Bonnard, en passant par Manet, Jean et Raoul Dufy réunit des pièces exceptionnelles venus les plus grands musées américain. Réparties par côte (Manche et Atlantique / Riviera), les toiles sont toutes expliquées et commentées, tandis qu’une troisième salle permet de voir les lieux à travers des photos de Lartigue et Clergue ainsi que par le biais d’une vidéo intéressante commandée à Adrien Roux pour l’occasion.

L’exposition temporaire voisine, Life’s a Beach: Photographs by Martin Parr, conserve le sujet des côtes et réunit dans une scénographie digne de l’originalité du photographe des clichés du malicieux Martin Parr. Prises sur plusieurs décennies sur toutes les plages du monde, ces photos en disent long sur les contrées et les gens qu’elles fixent avec tendresse. Un art populaire et sociologique qui donne envie de partir en vacance à la rencontre de l’autre. La troisième exposition temporaire du MFA cette saison est dédiée à des œuvres et des morceaux d’histoire de la vie des afro-américains aux Etats-Unis.

Après une telle balade culturelle à St Petersbourg, la plage, côté baie de Tampa et donc chaleur venue des Caraïbes, n’est plus qu’à quelques minutes et si vous cherchez un restaurant où manger crustacés les plus frais du continent, foncez chez PJ’s Oyster’s bar (595 Corey Ave, St Pete Beach, FL 33706)avant ou après vous êtes baigné. Crabe des sables, homard, huîtres et crevette grillées ou frites arrosés de bière ou de bloody mary, ce “diner” d’apparence simple et bigarrée propose une sélection de mets incomparables. Pour un voyage dans l’Amérique de David Lynch, choisissez l’intérieur, aux néaons colorés, pour un discussion à bâtons rompus jusqu’au coucher du soleil, le petit jardin est d’un calme parfait.

Si vous avez encore un peu plus de temps devant vous pour découvrir Tampa Bay, n’hésitez pas à prendre le volant pour monter dans l’arrière pays, très vite rural. Fondées par des religieux catholiques, es villes de St Antonio et St Leo sont tout à fait charmantes. A St Leo, au coeur de l’université fondée par les bénédictins, vous trouverez même un monastère…

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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