Mode
Pierre Hardy, un homme, une marque

Pierre Hardy, un homme, une marque

13 December 2013 | PAR La Rédaction

Hors du milieu fermé de la mode, peu de gens connaissent Pierre Hardy. Styliste prolifique à la carrière multiple, ce dessinateur a créé sa propre maison il y a presque 15 ans. Retour sur cette entreprise à l’image du créateur.

Crâne rasé, tenue impeccable et sobre, allure élégante, il s’assied le dos droit. Malgré un sourire amusé, il est attentif aux questions, prêt à répondre le plus justement possible. Pour commencer il revient volontiers sur sa carrière, l’illustration de mode, jeune, et très vite la chaussure. Dior puis Hermès, Balenciaga, et sa propre marque Pierre Hardy en 99. Des sacs pour Sequoia et lui-même, les bijoux chez Hermès, des collaborations avec Gap, Nars ou Kitsuné, et jusqu’à l’an passé les obligations d’un enseignant. Souvent, il a mené ces activités de front. Une vie de création, où, comme il le dit « il faut tous les jours donner le meilleur de soi, se surpasser ».

visuel : couverture de la fanpage facebook.

Créer la marque Pierre Hardy a été pour lui comme de construire une maison, et de mettre des gens dedans. Un immense plaisir, mais aussi des responsabilités. Lui le dessinateur libre, toujours en free-lance, en mission chez les autres, a planté ses racines. La maison Pierre Hardy est une structure réduite, une vingtaine d’employés, trois boutiques dans le monde. Marion Daumas, associée et amie de longue date de Pierre, se souvient que « grâce au talent de Pierre, la marque a tout de suite été appréciée ». C’est une angoisse supplémentaire pour le styliste : devoir créer, se renouveler, en sachant que de sa production dépendent des emplois. Sans publicité ou gros moyens comme en ont les firmes internationales, seul le produit influence l’achat. Un lien direct, qui en cas d’échec le mettrait en cause personnellement. Heureusement le succès est au rendez-vous. La marque est « comme un enfant qui a grandi facilement » d’après Marion, qui n’a que de bons souvenirs de l’aventure Pierre Hardy.

Ses identités d’homme et de créateur sont pour lui : « indissociables, mélangées, confondues ». Sa marque, où pour la première fois il peut se détacher des codes des maisons établies, est un espace de création presque sans limites. Dans ce que le raisonnable permet, il laisse libre cours à la recherche d’expression plus qu’à celle d’un produit à finalité commerciale. Pierre Hardy ne se définit pas comme un artiste, il a conscience de faire partie d’un système marchand auquel l’artiste, espère-t-il, est plus indifférent. Il n’est pas non plus un artisan qui fabrique ses pièces. Pour lui la mode est un art appliqué. Ses chaussures sont architecturales, sculpturales, conceptuelles. Il dit devoir à sa petite structure cette nécessité de se différencier, tout en admettant que cause et conséquence sont peut-être inversées.

Par sa marque, Pierre Hardy revendique une individualité. Ses créations sont un reflet de sa personne, de ses goûts, il refuse de suivre les tendances. Apposer son nom sur ce principe relève donc de la logique. S’y niche aussi une forme d’orgueil, de reconnaissance, admet volontiers le chausseur. Même si parfois se voir chosifier : « je mets mes pierre-hardy », est un peu étrange.

Sa silhouette épurée, tout comme ses créations stylisées sont surement la cause d’un adjectif qui revient souvent quand il s’agit de Pierre Hardy. Un ascète. Il ne rejette pas le qualificatif d’emblée : sa vision du travail est en effet un mélange d’astreinte et de plaisir, à la fois contrainte et réalisation. Mais il considère cet aspect de sa personnalité comme une nuance, ne se résume pas à l’ascèse. D’ailleurs dans l’immense appartement aux colonnes de marbre qui abrite le show-room, son rire solaire et tonitruant résonne dès qu’il y met les pieds. Il est aussi bordélique, d’après lui-même, ou impatient selon Marion Daumas. Et pour compenser la frénésie laborieuse qui l’habite plus de 300 jours par an, son plus grand plaisir en vacances, est de s’allonger au soleil sur une plage, et « ne plus rien faire du tout ». Des anecdotes qui extraient le personnage de la caricature.
Ce qui impressionne le plus sa sœur, Claude, outre son succès ou son talent bien sûr, c’est surtout la facilité, « apparente » précise-t-elle, avec laquelle il a toujours tout réussi. Il s’excuse presque, opposant qu’il a choisi ce qu’il savait et aimait faire, comme si le mérite en était par-là amoindri. Et précise qu’il travaille beaucoup, même si c’est un plaisir. Personne n’en doutait.

La plus grande satisfaction professionnelle de Pierre Hardy est de voir ses produits portés. Peu importe qu’ils aient vieillis, qu’ils soient usés, ils ont atteints leur but. Pas d’idée de préservation, de conservation dans sa conception de la mode, elle doit être éphémère, se renouveler. A l’avenir il espère pouvoir étendre son réseau de distribution, nul doute que de plus en plus de gens se baladeront des « pierre-hardy » aux pieds.

Mathilde Fabbro. 

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