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Le concept “éphémère”, tendance de l’été 2015

Le concept “éphémère”, tendance de l’été 2015

20 August 2015 | PAR Elodie Schwartz

Restaurants, bars, sites de rencontres, tatouages, la tendance de cet été 2015 est à l’éphémère. Un concept tout droit venu des Etats-Unis qui séduit de plus en plus de frenchies. Mais pourquoi ? Toute la Culture a mené l’enquête.

Le concept “éphémère” a été lancé aux USA dans les années 2000 et a largement été inspiré par la stratégie marketing de Nicolas Hayek, fondateur de la marque Swatch. Au départ, ce concept s’est matérialisé avec l’ouverture de boutiques Pop Up, c’est-à-dire ouvertes seulement pour une courte durée. Le principe était simple (et l’est toujours) : occuper un espace de vente durant un certain temps puis disparaître. Ainsi, l’objectif est de faire parler de soi, de sa marque ou de son produit. Une technique de vente qui a aujourd’hui dépassé les frontières. Après Berlin, où l’idée à premièrement été reprise par la marque Comme des Garçons en 2004, le phénomène de l’éphémère a en effet pris racine en Europe et plus particulièrement en France.

Depuis environ cinq ans, le concept plaît et est adopté par beaucoup, que ce soit dans le domaine de la restauration, du luxe, des produits de grande distribution ou même du dating. On pourrait d’ailleurs à titre d’exemples citer l’opération réussie du site AdopteUnMec qui en septembre 2012, et seulement pour quatre jours, ouvrait sa boutique éphémère d’hommes à adopter à la Cremerie de Paris, celle de Nike qui, la même année, lançait le “Nike Barber Shop Paris” à l’occasion de la coupe d’Europe, celle d’Hermès qui ouvrait, pour deux mois, une boutique rue de Sèvres ou encore celle de La Casa Barilla, lieu éphémère qui ouvrait ses portes en 2010.

A l’instar de ces précurseurs, de nombreux lieux éphémères ont par la suite fleuri sur la scène parisienne. Preuve de la démocratisation du concept désormais à la portée de tous et non plus réservé aux dit « bobos ». Aussi, cet été 2015 a été marqué par le nombre croissant d’endroits éphémères. Restaurants et bars (voir notre article) ont envahi des lieux parfois atypiques. Sans oublier le monde de la mode qui a, lui aussi, été pris (et l’est en permanence d’ailleurs) dans l’engrenage de l’éphémère avec par exemple les tatouages. Mais pourquoi un tel essor en cette période estivale ?

Interrogée par nos soins, Sandra Chiche, une des responsables de La Javelle, en charge de la programmation et la communication, nous parle du cas de cette guinguette effervescente. “La Javelle mélange les publics et les disciplines. C’est un endroit ouvert à tous”. Le fait qu’elle soit éphémère favorise deux choses : “la dynamisation du quartier d’un point de vue commercial car des emplois sont créés” et la création de liens sociaux. “C’est un endroit de fête, de culture […] les publics se mélangent”, nous précise Sandra Chiche. Il faut en effet souligner que si l’éphémère attire autant de monde, les jeunes comme les moins jeunes, et ce dans tous les domaines, c’est avant tout pour son aspect social et sa capacité à proposer de la nouveauté.

Lisa Boisneault, jeune étudiante en Information et Communication à la Sorbonne Nouvelle, habituée du concept, nous raconte : “J’adore les bars éphémères […] ça dynamise le quartier, ça fait estival […] Comme c’est éphémère, on se dit justement qu’on doit en profiter et ça fait du bien de sortir des sentiers battus”. Des attentes entendues par la responsable qui ajoute : “Les Parisiens ont besoin de passer du tout dehors” et c’est ce côté “foire” qui les attire, “cet esprit vacances” proposés par les lieux éphémères. On s’y sent bien car c’est une ambiance “détendue”. Envie d’échapper à routine, sortir des circuits classiques de distribution, avoir l’impression de voyager et sortir de son étouffement quotidien, voilà à quoi répondrait l’éphémère.

Mais pour Thierry Jandrok, psychanalyste et docteur en psychologie, qui a accepté de répondre à nos questions, si le concept éphémère connaît un véritable essor c’est parce que le consommateur lui-même est pris à son propre jeu. “Dans la réduction du temps à l’instant, instant de production et de consommation immédiat, le sujet est ainsi entrepris. Il est donc à la fois le producteur de l’évènement et son consommateur. Car les happenings, par exemple, n’ont de valeur que parce qu’ils attirent du monde. Le consommateur participe donc, à son insu, à une démarche qui fait de lui également un produit de consommation courant d’un point à un autre”.

L’éphémère, qui se déroule sur un jour, une semaine ou un mois, mettrait donc le consommateur dans une situation d’urgence à laquelle il ressentirait le besoin de répondre. Face à l’aspect temporaire, il est pris de court et n’a pas le temps de mûrir sa réflexion. Résultat : il est susceptible d’agir de manière impulsive et donc de participer à la mise en avant de l’éphémère. “Il faut y aller, c’est nouveau. Et comme cela ne durera pas, il faut en profiter de suite, pas demain !”, ajoute Thierry Jandrok. Toutefois, il prévient : “L’éphémère c’est l’affaire de l’envie. […] Consommer rapidement donne le sentiment que l’on ne perd pas de temps et comme le temps c’est de l’argent, le consommateur a le sentiment qu’en participant à ces applications speed, il va y gagner. Alors qu’en fait il ne fait qu’y perdre… L’éphémère, c’est la tentation faite loi”.

L’éphémère, fait pour durer ?

Tentation, envie, désir, besoin, pulsion, renouveau sont autant de mots qui composent le champ lexical du concept “éphémère” et font sa popularité. D’une part car l’éphémère est symbole d’hyper-mobilité. Le client peut se rendre à différents endroits, sans pour autant détruire son besoin de posséder des repères dans le temps et l’espace. Plus il est mobile moins il est immobile et ainsi capable de voyager en lui-même. “Penser c’est voyager sans bouger, bouger c’est voyager sans penser”, renseigne Thierry Jandrok. D’autre part, pour l’éphémère, la question de la saisonnalité est également un facteur important. En effet, l’été est propice aux sorties et aux dépenses, ce qui permet la plupart du temps un retour sur investissement garanti. Toutefois, l’éphémère reste un domaine “fatigant qui nécessite des pauses. Il faut repenser la saison d’après et on n’a pas toujours les autorisations qu’il faut”, conclut Sandra Chiche.

Visuel : © La Javelle / DR

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Elodie Schwartz

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