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Quand Dasha Zhukova s’assied sur les clichés

Quand Dasha Zhukova s’assied sur les clichés

31 January 2014 | PAR Céline Duverne

Le 20 janvier dernier, le mannequin russe Dasha Zhukova défrayait la chronique en posant sur le site Büro 24/7, confortablement installée sur une chaise à l’effigie d’une jeune femme noire ligotée et partiellement dévêtue. Une mise en scène de très mauvais goût, qui relance la polémique toujours latente sur le racisme prétendu du milieu artistique.

Dasha Zhukova

Depuis sa parution, le cliché a déjà suscité de vives réactions et fait couler beaucoup d’encre dans les médias internationaux. Il faut dire que le contraste entre les deux jeunes femmes – l’une impeccablement vêtue de blanc, arborant un calme sourire, l’autre contorsionnée dans une posture peu avantageuse – est tout à fait saisissant, et la connotation post-coloniale qui en émane s’impose naturellement à notre esprit. Une image d’autant plus choquante que sa publication coïncide avec la date de commémoration de la mémoire de Martin Luther King, icône de la lutte contre les inégalités raciales aux Etats-Unis. Face à la déferlante, l’équipe de Büro 24/7 a cru bon de réagir dans un communiqué, rapporté par le magazine The Guardian : « Nous sommes contre le racisme, l’inégalité homme-femme et tout ce qui transgresse les droits de chacun. Nous aimons, respectons et admirons les gens, sans distinction de leur race, sexe ou statut social ».

Belle, blanche et bien née, Dasha Zhukova n’a pourtant rien d’une icône du scandale. Fille d’un richissime oligarque ayant fait fortune dans le pétrole, compagne du propriétaire du club de football de Chelsea, Roman Abramovich, la jeune mannequin est plus récemment devenue une figure phare du microcosme artistique en créant en 2008 le Garage Center for Contemporary Culture, où elle expose ses collections. Il est précisément question d’art dans son interview donnée au site Büro 24/7 le 20 janvier dernier : la jeune femme y évoque ses projets artistiques et rappelle l’importance d’une éducation dans ce domaine… mais elle omet fâcheusement de commenter l’œuvre sur laquelle elle trône victorieusement.

Un oubli d’autant plus regrettable que quelques éléments d’explication eussent probablement suffi à étouffer dans l’œuf toute polémique. L’objet controversé se révèle être une reproduction réalisée par Bjame Malgaard sur le modèle d’une œuvre d’Allen Jones, partie prenante d’une série des chaises, tables et porte-manteaux du même acabit. A travers ces créations, le sculpteur britannique entendait dénoncer le sort des femmes réduites à l’état d’objets du désir masculin. Une intention tout à fait louable, à laquelle une jeune femme de la bourgeoisie russe moderne, qui plus est rédactrice d’un magazine d’art, aurait dû se montrer sensible…

Un communiqué de l’intéressée vient fort à propos redresser la situation, en rappelant que l’œuvre en cause a été « conçue spécifiquement comme un commentaire sur la politique du genre et des races », précisent nos confrères de 20minutes. Trop tard : la polémique fait déjà le tour du monde. Faut-il voir dans cette mise en scène,  à la suite du FashionBombDaily, une preuve supplémentaire que « l’art et la mode sont les derniers bastions de la société dans lesquels le racisme et l’ignorance sont acceptés au nom de la créativité » ? Ne crions pas trop vite au loup : cette maladresse nous semble refléter, plus simplement, la suffisance d’un certain milieu social très imbu de lui-même, où les règles élémentaires de la délicatesse et du respect de l’autre ne sont visiblement plus légion.

Visuels : © Büro 24/7.

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