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Cyberpunk et Steampunk autres visions du (no) future

Cyberpunk et Steampunk autres visions du (no) future

01 November 2013 | PAR Sandra Bernard

 

 

Souvent, lorsque l’on parle du mouvement punk c’est l’expression “no future” qui vient à l’idée, pourtant ce mouvement ne niait pas le futur mais préférait jouir de l’instant, faire ce que l’ont voulait quand on voulait. Ainsi le punk a été un mouvement incroyablement productif et bouillonnant. Souvent border, cynique, anarchique et exalté, le punk a donné naissance à de nombreux avatars dont le cyberpunk et le steampunk.

Le cyberpunk est cette branche de la science fiction sombre et implacable dont le (anti) héros se débat dans un univers froid, déshumanisé, à forte prégnance des nouvelles technologies. Dans ce monde à la limite de la rupture (politique, écologique, économique, sociale voire technologique) la survie passe par le nihilisme et la lutte face à l’establishment. Pour nombre de connaisseurs, les origines de ce mouvement sont, avant tout, littéraires. L’on peut également penser que les différentes crises qui ont secoué le Japon dans la seconde moitié du XXe siècle ont conduit l’archipel vers un positivisme scientifique effréné et une isolation sociale similaire à ce que décrivent les fictions. La structure des mégalopoles japonaises métalliques, tortueuses, aux néons omniprésents et palpitants, a inspiré l’esthétique même du cyberpunk. Ce mouvement a donné naissance à des monuments de la popculture et de la culture geek comme Blade runner, Total Recall (d’après Philip K. Dick) ou, plus récemment, Matrix. Le cyberpunk est également très présent dans la production culturelle japonaise avec les mémorables Akira, Paprika ou le colossal Ghost in the shell, sans parler des nombreuses séries comme Ergoproxy, serial experiments Lain, etc, où, à force d’améliorations technologiques, les humains tendent vers la machine, et les machines, avec leurs programmes toujours plus complexes, tendent vers l’organique promettant une convergence où chacun risque de perdre sa nature. Avec les avancées technologiques des dernières décennies, certains aspects de l’atmosphère cyberpunk étant devenus réalité (prothèses bioniques, globalisation des technologies de communication et connexion quasi permanente, etc.) le cyberpunk est de moins en moins innovant et présent. A ce titre, l’on présente régulièrement ces auteurs comme des précurseurs voire des visionnaires, mais leurs récits ne sont-ils pas des prophéties auto-réalisatrices tant certains ont fortement influencé des générations de jeunes scientifiques, en particulier pour la robotique et les I.A. (Intelligence Artificielle)

Bien que toujours vivace, il a peu à peu laissé place au steampunk. Également d’origine littéraire, le steampunk est ainsi nommé par boutade face au cyberpunk et n’a finalement que peu de choses à voir avec le punk, si ce n’est sa liberté créative et son intérêt pour le futur (ce qui n’est déjà pas mal finalement). Créé dans les années 1980 par le trio d’amis K. W. Jeter, Tim Powers et James Blaylock, à qui l’ont doit respectivement Morlock Night (1979) et Machines infernales (1987), Les Voies d’Anubis (1983) et Le Poids de son regard (1989) et enfin Homunculus (1986) et Le Temps fugitif (1992). Ce genre se caractérise par son goût et son esthétique rétrofuturiste où les machines à vapeur et autres objets inventifs anachroniques sont de mise, de même que l’humour et les nombreuses références, dont l’univers de Jules Vernes. Le steampunk pouvant s’appliquer à toutes sortes d’univers, le genre s’est rapidement développé, dépassant lui aussi les frontières de la littérature pour passer dans la culture populaire. Outre Jules Vernes, une des origines les plus frappantes est sans conteste la série les mystères de l’Ouest où les inventions farfelues, très en avance interviennent dans une société en pleine révolution industrielle. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les sociétés steampunk ne sont pourtant pas en retard technologiquement parlant, loin de là même, puisque les greffes mécaniques sont monnaies courantes tout comme les moyens de transport ultra développés. Esthétiquement, le steampunk arbore fièrement un style vestimentaire rétro, le plus souvent victorien et édouardien, des outils de bricoleurs (lunettes, masques, etc.), du cuir brun, du cuivre, des pierres fines, etc. Selon Patrick Gyger directeur de la Maison d’ailleurs, musée de la science-fiction (Suisse) “c’est aussi le manque d’images positives du futur. En se substituant à des visions apocalyptiques ou hypertechnologiques, le steampunk présente un futur plus simple et qui fait appel à des visuels qui nous sont déjà familiers.» (voir article de 20 minutes “Le Steampunk bricole d’autres mondes” publié le 18 février 2010).

Le mouvement dépasse la littérature dès les années 1990, mais on note une forte production depuis le début des années 2000. Ainsi, l’on trouve des séries comme Last Exile (2002), Doctor Who, Les Enquêtes de Murdoch (The Murdoch Mysteries) pour son aspect anachronique, Trigun. Côté cinéma, il est impossible de passer à côté de Wild Wild West (1998) de Barry Sonnenfeld, Le Château ambulant (2005) de Hayao Miyazaki, Le Prestige (2006) de Christopher Nolan, À la croisée des mondes : La Boussole d’or (The Golden Compass) (2007) de Chris Weitz, La Cité de l’ombre (2007), de Gil Kenan, Hellboy 2 (2008) de Guillermo del Toro. Le steampunk est également présent dans les jeux vidéo : Syberia (PC, 2002), la série des BioShock (PS3, Xbox 360 et PC, 2007-2008) et la BD avec : Fullmetal Alchemist de Hiromu ArakawaLes Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec, par Jacques Tardi, éd. Casterman, La Ligue des gentlemen extraordinaires (The League of Extraordinary Gentlemen), scénario : Alan Moore, dessins : Kevin O’Neill, couleurs : Benedict Dimagmaliw, Douce, tiède et parfumée d’Ignacio Noé.

En fin de compte, ces deux mouvements, lointains descendants du punk, sont autant de témoignages de son héritage foisonnant, inventif et à contre courant, alors même que le punk, en tant que tel, quand bien même ce dernier s’est progressivement institutionnalisé devenant une mode que l’on arbore fièrement en oubliant le sens premier : vivre sa vie comme on l’entend sans se soucier du quand dira-t-on et des lendemains.

Visuels : © Wild Wild West images extraites du film ; © Blade runner images extraites du film ; © visuel officiel du film ghost in the shell ; © Total recall images extraites du film ; © Matrix  image extraite du film et affiche ; © Hellboy 2 images extraites du film ; © Le château ambulant images extraites du film ; © Bioshock artwork ; © Last Exile image extraite de la série ; © Akira détail d’un visuel officiel ; © Douce, tiède et parfumée T1 couverture

(sources pour l’origine des deux mouvements [auteurs et premiers écrits] les articles correspondant sur wikipédia France).

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Sandra Bernard
A étudié à l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense l'Histoire et l'Histoire de l'Art. Après deux licences dans ces deux disciplines et un master recherche d'histoire médiévale spécialité histoire de l'Art dont le sujet s'intitulait "La représentation du costume dans la peinture française ayant pour sujet le haut Moyen Âge" Sandra a intégré un master professionnel d'histoire de l'Art : Médiation culturelle, Patrimoine et Numérique et terminé un mémoire sur "Les politiques culturelles communales actuelles en Île-de-France pour la mise en valeur du patrimoine bâti historique : le cas des communes de Sucy-en-Brie et de Saint-Denis". Ses centres d'intérêts sont multiples : culture asiatique (sous presque toutes ses formes), Histoire, Histoire de l'Art, l'art en général, les nouveaux médias, l'art des jardins et aussi la mode et la beauté. Contact : sandra[at]toutelaculture.com

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