Théâtre
“The way she Dies”, la nouvelle vague de Tiago Rodrigues s’abat sur le Festival d’Automne

“The way she Dies”, la nouvelle vague de Tiago Rodrigues s’abat sur le Festival d’Automne

12 September 2019 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Au Théâtre de la Bastille qu’il connaît bien, le directeur du Théâtre National Dona Maria II à Lisbonne s’offre une collaboration de rêve entre sa compagnie et le TG Stan avec une relecture très personnelle et si subtile d’Anna Karénine

Le décor suppose que nous sommes dans une maison encore en construction. Devant nous le mur est à moitié peint dans un très élégant bleu canard. Très élégant, c’est absolument cela qui résume la pièce. Dans une classe absolue, sans aucun pathos, Tiago nous raconte différentes clôtures de l’amour, toujours portées en miroir avec le texte de Tolstoï. Sur scène il y a deux Anna et deux Alexeï campés par Isabel Abreu, Pedro Gil, Jolente De Keersmaeker et Frank Vercruyssen, totalement interchangeables dans leurs rôles d’amants, de maris, de maîtresses et d’épouses.

« Jamais » « toujours »

De ce texte dont on veut tout noter, on entend des phrases terriblement justes sur l’anormalité de la normalité ou encore sur l’insuffisance du langage à dire la confusion des sentiments.

Ici, c’est le vrai qui est porté, celui où les choses sont plutôt grises que blanches ou noires. La tromperie n’est pas une trahison, le départ n’est pas un exil.

Alors dans ce spectacle, on retrouve toutes les jolies obsessions du metteur en scène. « Je vais t’apprendre un poème » dit l’un des Alexeï à l’une des Anna. Et c’est ce que Tiago Rodriguez faisait exactement dans By heart, ce petit bijou sur la mémoire des textes quand les textes ne peuvent plus être lus.

Dès la première scène où l’un des Alexeï répond à l’une des Ana qui lui demande « Tu ne dis rien ? »  : « Qu’est-ce que je pourrais dire ? », on pense évidemment à un autre bijou du metteur en scène,  Antoine et Cleopatre, où là encore il explorait la passion dans ce qu’elle a de plus irrationnelle.
Dans The way she dies, il s’empare du chef-d’œuvre de Tolstoï, dans toutes ses traductions et dans sa nouvelle interprétation. Cela autorise de délicieux enjeux d’incompréhension interculturelle et une exploitation formidable des sous-titres. La contrainte devient un merveilleux enjeu de mise en scène. C’est à saluer.

Les comédiens sont aussi époustouflants, en passant du flamand au portugais et au français, et s’amusent bien sûr de ce qu’il peut subsister d’un texte russe dans sa traduction.

Vous l’aurez compris, Tiago Rodrigues insuffle une nouvelle fois son talent à la fois sur le Théâtre de la Bastille qui le connaît bien puisqu’il l’avait “occupé” et sur le festival d’Automne où l’année dernière il avait présenté son petit bijou Sopro.

Nous sommes face à un metteur en scène absolument génial qui au fur et à mesure des spectacles impose à la fois une forme en apparence très classique (des comédiens face public nous adressent un texte) et qui, dans la progression du spectacle arrive sans crier gare et sans à-coups à déshabiller le texte pour qu’il d’entre en nous de façon extrêmement directe, mélancolique et chic.

Il faut peut-être pour terminer saluer l’intelligence d’avoir offert aux comédiens de très jolis costumes qui nous situent à la fois dans la fin des années 60 et au XIXe siècle, donnant à ce spectacle l’allure d’un film d’Éric Rohmer.

 

Visuel : ©Felipe Ferreira

 

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