Danse
L’apocalypse selon Gaëlle Bourges

L’apocalypse selon Gaëlle Bourges

21 March 2019 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Dans la droite veine de ses précédents spectacles, l’artiste associée au Théâtre de la Ville croise la tapisserie d’Angers et La jetée de Chris Marker dans Ce que tu vois, un spectacle à l’esthétique marionnetique et moralisateur.

Depuis À mon seul désir qui rendait vivantes les figures de La dame à la Licorne, Gaëlle Bourges réactive avec un talent monstre des peintures très anciennes ( Lascaux ) et médiévales ( Conjurer la peur). Dans l’excellent Conjurer la peur justement, elle faisait résonner notre ère terroriste avec Les Effets du bon et du mauvais gouvernement de Ambrogio Lorenzetti. Ici elle s’appuie sur la crise immense, climatique et économique qui nous étouffe.

La tapisserie est conservée au Château d’Angers. Commandée vers 1375 par le duc Louis Ier d’Anjou, La tenture de l’Apocalypse est un chef d’œuvre de l’art médiéval, et sur ses 140 mètres d’origine, 100 sont conservés. 

Bien sûr, la tapisserie n’est pas montrée. Mais ici, plus que d’habitude, la chorégraphe choisit le mime. Dans un sens, oui, on peut dire que l’on voit des scènes de la tapisserie. Gaëlle Bourges, Agnès Butet, Camille Gerbeau, Alice Roland, Pauline Tremblay et Marco Villari campent les personnages tissés mais aussi un autre Jean, celui de La jeté qui a une révélation dans une grotte : le bien va triompher, il doit tenir bon.

Le bien et le mal sont les grands thèmes que Gaëlle Bourges opposent en assumant le choix d’une esthétique proche du guignol. L’effet est renforcé par les rideaux tendus les uns après les autres et par les éléments de décor et de costumes en papier kraft.

En voulant coller une histoire médiévale à notre monde, la chorégraphe glisse vers une théorie du complot qui vient mettre tous les “grands” dans le même panier, de façon très manichéenne. La grande distribution devient le démon à abattre sans négociation. 

Mais les images passent. Et quelques unes sont vraiment géniales. Il n’y a qu’elle qui sait jouer les copistes chorégraphiques, et chaque pose des cavaliers de l’apocalypse est précise. L’idée du décor en carton est parfois très belle , notamment quand les danseurs sont floutés par des bulles. La bande son du spectacle est  un mix du conte écrit par Gaëlle Bourges qui mêle l’histoire du film, celle de la Bible et des mentions personnelles. La voix off est permanente mais elle est tout de même entrecoupée de musique.

Ce que tu vois est ultra actuel. La chorégraphe veut poser des questions pour réveiller nos consciences trop habituées à voir la violence. Mais la tâche est ardue, même accompagnée des sept cavaliers de l’Apocalypse. Choisir l’humour et le mime pour dire le pire, dans un théâtre de l’absurde qui frise la commedia dell’arte est un postulat ardu mais courageux. Il faut saluer le désir d’agir mais nous restons sur les regrets d’un spectacle trop didactique.

 

 

Visuel : Site du Théâtre de la Ville

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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