Classique
Brahms en quatre dimensions au laboratoire du son de la Maison de la Radio

Brahms en quatre dimensions au laboratoire du son de la Maison de la Radio

09 June 2019 | PAR Yuliya Tsutserova

Ce soir du 6 juin 2019, La Maison de la Radio nous invitait à dépasser les barrières du temps et de l’espace avec la Symphonie no. 3 en fa majeur, op. 90 de Johannes BRAHMS, interprétée par l’ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE sous la direction d’Emmanuel KRIVINE. Véritable laboratoire du son, ce concert était une extraordinaire expérience vécue, qui dépasse les débats et les explications  sur la « spatialité » et la « temporalité ».  Un concert qui « se visite » et « s’habite » comme un complexe architectural puissant.

De quelles structures s’agit-il ? La symphonie existe, dans la salle de la Maison de la Radio, sous deux modes : celui d’un flux parfaitement mélangé et fluide (depuis les balcons), et celui d’un panorama stratifié (depuis l’orchestre), où le parcours de chaque voix retient, grâce à l’acoustique merveilleuse, ses propres contours, comme s’il était enveloppé par une membrane aérienne la plus fine. Pendant que la première perspective est celle à laquelle l’on est habitué, c’est la deuxième qui permet à apprécier toutes les composantes de ce chef-d’œuvre structurel. C’est si comme sans se déplacer physiquement, l’on pouvait se promener entre les rangées de l’orchestre comme entre tant des couches musicales, en étudiant leurs topographies individuelles une par une, sans jamais perdre de vue leur tout organique.

La direction d’Emmanuel Krivine est parfaitement adaptée à une telle étude : légère, précise, délicate, elle assure que l’orchestre « levite » toute au long de la session en se déployant en agencements rhythmiquement et tonalement immaculés, sans aucune autre point d’appui que la matrice épurée et limpide de l’espace lui-même : le soutien invisible et élégant au verso de chaque figure gracieuse que trace l’orchestre. Il y a chez Krivine une certaine douceur et bienveillance que l’on observe dans sa façon de veiller sur chaque musicien, ses regards leur nouant, comme autant des fils conducteurs, en un nœud au cœur de chaque structure musicale émergente. Il est le centre de gravité authentique de cet orchestre, une gravité paradoxale qui ne l’entraîne vers le bas, mais qui le relie des forces d’attraction et d’empathie.

L’Orchestre National de France est doté des qualités qui le rendent idéal pour une performance d’une œuvre si raffinée et délicate : une légèreté du trait même dans les passages les plus énergétiques, une concentration couplé à une réactivité spontanée enviable, un sens infaillible de la progression rhythmique et de la phraseology. C’est un véritable écosystème, où tout musicien est parfaitement conscient de sa contribution par rapport aux autres, un organisme exceptionnellement integré et solidaire, qui ne décomposé pas même sous le « microscope » acoustique de la Maison de la Radio.

Une salle, un chef et un orchestre tous faits pour former un auditeur perspicace, et cela de façon tout à fait naturelle et sans contrainte : une expérience à rechercher et à répéter à toute occasion qui se présente.

Visuel(s): © Yuliya Tsutserova

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