Danse
Un Grand Écart assumé

Un Grand Écart assumé

21 July 2022 | PAR Odile Cougoule

 

Avec Grand Écart Kiyan Khoshoie se livre à un stand up sur le thème de la danse. Danseur interprète de 34 ans, son parcours fait de lui un expert. Avec habilité il se moque du milieu chorégraphique, des usuels de la création et des grands airs des créateurs. C’est percutant, drôle et touchant à la fois.

Ça ne danse pas beaucoup dans Grand Écart mais tout dans le corps de Kiyan Khoshoie nous dit la danse. La posture, le coup de pied, le port de tête, la précision du moindre geste sont autant de signes qui témoignent d’un apprentissage -aussi fin que sérieux- de ceux qui marquent à jamais un corps mais aussi d‘une expérience avérée. L’ensemble du récit, un monologue d’une heure, puise dans cette vie de danseur faite d’un mélange de moments de bonheur et d’instants de frustration.

Un regard acéré

Généreux envers le public il prévient qu’il ne va pas se mettre tout nu, conformisme actuel de la performance, ni se jeter par terre ; son discours est finalement plus sérieux dans sa drôlerie. Work in progress, chantier, laboratoire, étape de travail, tout milieu a son langage et les mots sont pour le créateur le moyen le plus sûr d’affirmer qu’il est artiste. « One », « Man », solo ou seul en scène comment nommer son travail pour lui donner tout son sens ? Ses énumérations et ses détours rappellent Raymond Devos et sa chasse à l’absurdité… Bien vu ! Rien ne nous surprend dans ce récit. Que ce soit la fumée pour « faire spectacle » ou l’idée de prendre des risques, on rit car on sait que ses paroles sont vraies et des images nous apparaissent immédiatement. On se laisse même prendre au jeu de l’interpellation du public.

Et si le meilleur des mondes n’était pas la danse

Ce jeu de la vérité qui nous ravit prend des teintes plus sombres lorsqu’il aborde la solitude, celle du chorégraphe comme celle du danseur, l’injustice, la difficile entente dans un ballet, la convocation d’une danseuse enceinte chez le directeur qui va être remerciée. On touche à cet instant la vérité d’un métier et on comprend les raisons qui ont conduit ce danseur jeune et talentueux à mettre en scène la nature fluctuante de ses sentiments à l’égard de son art. Le personnage de grande diva, l’égocentrisme du chorégraphe, le refus de dialogue stigmatisé par l’expression si souvent entendue « arrêtez vos pia-pias », sont autant d’évocations des modes de relations implantées dans les ballets où l’humain doit s’effacer derrière le danseur. En disséquant ces poncifs, Kiyan nous livre son mal être à se sentir chosifié tout en exerçant un métier qu’il aime et auquel il se consacre entièrement.

Une histoire de choix

On oublie souvent que le moment au plateau n’est que la partie émergée de l’iceberg et que bien des épreuves sublimées permettent d’arriver à ce moment. Que recèle la danse de si particulier pour qu’on lui accorde de nous éprouver physiquement et psychiquement au quotidien. Aucun masochisme sous-jacent ne vient troubler ce Grand Écart. On sent une interrogation sincère : continuer ou lâcher ? Question à laquelle seul le danseur peut répondre.

Sélection Suisse en Avignon

Grand Écart – Kiyan Khoshoie

Le train bleu – 9 au 25 juillet – 16h15

visuel : © dossier de presse

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Odile Cougoule

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