Un Gatsby vraiment magnifique au Théâtre du Châtelet
Jusqu’au 20 février, Sofiane Zermani est Gatsby dans une version à la fois jazz et contemporaine du Grand Gatsby. Tout dans cette féérique heure de spectacle au Théâtre du Châtelet est au service du texte de Francis Scott Fitzgerald qui nous parle plus que jamais en 2022…
Eté 1922 à Long island, dans zone huppée de West Egg. Nick Carraway est témoin des retrouvailles entre Daisy Buchanan mariée au volage Tom et Jay Gatsby, figure énigmatique qui invite la terre entière dans ses fêtes immenses dans sa villa non moins grande… Ils s’étaient rencontrés et aimés à Louisville… Le temps d’un été, tout peut se rejouer mais le drame plane dans l’air…
Un ensemble de voix au service du texte
Créé en 2018 au Musée Calvet à Avignon, Gatsby le magnifique est arrivé au Théâtre du Châtelet. Cette version scénique du grand classique de la littérature de la “lost generation” met en avant trois voix : celle de Gatsby, interprété par Sofiane Zermani (alias Sofiane ou Fianso, ténébreux et charismatique), Daisy (Lou de Laâge, à la fois solaire et fatale) et Nick (Pascal Rénéric, endurant en narrateur qui nous fait partager sa fascination). Rejointes par un choeur, ces voix très distinctes, jamais floues, s’élèvent sur la musique orchestrée par le génial Issam Krimi, qui est à la fois jazzy et électro. Et cet ensemble sonore s’oriente vers un seul but : mettre en avant le texte de Fitzgerald. Un texte qui apparaît en intertitres en VO et est prononcé dans sa sublime traduction par Jacques Tournier sur scène.
Un piano au soleil couchant
La mise en scène sobre d’Alexandre Plank rend les années 1920 immortelles. Elle nous convie à une fête qui permet de nous projeter dans celles de Gatsby, avec leur faste et leur fatalité : un grand piano occupe la moitié gauche de la scène et Issam Krimi y opère en chef d’orchestre et homme-clavier. L’arrière est occupé par les musiciens et chanteurs, élégamment habillés. Et sur le devant de la scène, éclairés par de belles lumières cuivrées, les trois protagonistes, extrêmement bien dirigés et maîtrisant chacun de leurs gestes, font advenir la tragédie. A temps, les chanteurs du choeur prennent la liberté d’un pas en avant pour interpréter la foule ou prêter leur voix à un personnage secondaire. Tout se déroule dans un clair-obscur doux et tout permet de s’imprégner librement de la mélancolie du texte. Nous ne voyons pas passer l’heure et quart que dure le spectacle et lorsque nous ressortons du Châtelet (où le public a applaudi debout), nous avons nous aussi l’impression d’avoir passé tout un été à Long Island à être témoins des affres de la passions. Coquillages et crustacés nous manquent soudainement, après la venue d’une violence qui a fait comme un mouvement de ressac…
Un spectacle à voir absolument pour s’immerger dans les images intemporelles que propose le roman.
Le Grand Gatsby, d’après Francis Scott Fitzgerald, mise en scène : Alexandre Plank, musique Issam Krimi, avec Sofiane Zermani, Lou de Laâge, Pascal Rénéric, Shems Bendali, Quatuor Mona, Elina Buksa, Charlotte Chahuneau, Riana Anthony, Antoine Berry-Roger, Mathilde Panis, Jina Djemba, Ivan Cori, 1h15, France Culture – Les visiteurs du soir.
visuel (c) Thomas Amouroux