Théâtre
« Violentes femmes » : les fous de Dieu d’Honoré et Cantarella

« Violentes femmes » : les fous de Dieu d’Honoré et Cantarella

05 February 2015 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Jusqu’au 15 février, le Théâtre Nanterre-Amandiers met sur scène un trio incroyable et qui se connait bien : Cantarella/Quesne/Honoré. Les trois grands metteurs en scène se retrouvent pour porter au plateau Violentes femmes, un texte d’Honoré écrit de la main d’un orfèvre.

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Ce pourrait être une série de short cuts mais les deux histoires ne se croiseront jamais. Elles sont mises dos à dos ou plutôt tout autour d’une montagne phallique en construction au centre d’un espace ponctué d’une table; de chaises défraîchies , d’une benne à ordure, d’une machine à bouffe, d’un fumoir et d’un petit espace café/thé/petits gâteaux.

D’un côté, un groupe de trois femmes en accueille une quatrième. La plus âgée ( Valérie Vivier) est la mère de Marc Lepine qui a tué quatorze femmes le le 6 décembre 1989 à l’École polytechnique de Montréal, au Québec (Canada). Face à elle, trois rescapées dont on ne connaîtra jamais les prénoms sont campées par les excellentes Pauline Belle, Johanna Korthals Altes et Pauline Lorillard. Agressives, compréhensives, blasées. Elles sont après, bien après, quinze ans peut-être. Pour elles, il s’agit de sortir la mère du tueur de sa folie, elle qui est tombée dans la religion après le suicide de son fils, suivie de l’overdose de sa fille. Les féministes contre la bigote, c’est cela qui se met en place. En face, l’immense Florence Giorgetti campe Madeleine qui a vu la vierge en 1947 sur l’île Bouchard.

D’un côté le groupe, de l’autre la solitude. Mais entre les deux il y a un fil tendu de là à là-bas sur la façon dont le religieux bousille une vie. La jeune Madeleine, âgée de 12 ans alors voit sa vie être entièrement consacrée par sa vision quand de l’autre côté, les filles rescapées ne peuvent pas oublier.

Le jeu est ici grandiose, surtout quand Nicolas Maury entre en scène, devant incarner “Les hommes”. Il devient l’acteur des filles qui le travelote et le transforme même en une Romy Scheinder dépressive.

La direction d’acteurs est ici impeccable, faisant surgir des détails qui offrent un décalage de réalité, une sur-réalité en quelque sorte. Le mouchoir trituré par une Florence Giorgetti habitée par la folie du témoin qui ressasse, sans répits, jusqu’à la démence est un exemple parmi des dizaines.

1947/1989. Les deux dates semblent loin de nous et pourtant, hasard troublant du calendrier, la pièce se joue un mois après le massacre de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher. Les dialogues tapent forts : “Ceux qui hurlent c’est un fou ! c’est un Arabe, il n’y a rien à comprendre” n’ont rien compris. Ou : “Comment avez-vous pu laisser grandir un monstre ?”.

Le spectacle semble être un double huis-clos qui dure une journée, du lever au coucher du soleil, symbolisé par le ballet d’un projo qui opère à plein tube.
Beau, décalé, puissant, ce Violentes femmes trouble par son actualité et enchante par un jeu d’acteurs délicieux qui laisse la place à un humour vorace autour de sujets dramatiques.

Visuel : . © Marie Bonnemaison

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