Théâtre
“Une histoire d’amour” :  le mélodrame pleinement réussi d’Alexis Michalik à la Scala

“Une histoire d’amour” : le mélodrame pleinement réussi d’Alexis Michalik à la Scala

08 February 2020 | PAR Yaël Hirsch

Après Edmond et le Porteur d’Histoire, l’enfant prodige du théâtre, Alexis Michalik fait salle comble à la Scala. A l’écriture, à la mise en scène et dans l’unique rôle masculin, il fait mouche dans une pièce poignante. Une oeuvre resserrée sur un thème atemporel décliné pour notre temps : Une Histoire d’amour.

Tout commence par une Chanson. On pense à Demy, Resnais ou Honoré. On se laisse bercer par le dowoop commun des quatre acteurs principaux réunis dans un exergue qui place définitivement Une Histoire d’amour sous le signe du Roman-Photo.  Nous sommes en 2005, le mariage pour tous n’est pas encore voté. Katia (Juliette Delacroix) et Justine (Pauline Bression) se plaisent, la première est complexe, cérébrale, angoissée et aime franchement les femmes, la deuxième est organique, sensuelle et se laisse aller à l’amour sans crise de panique, même si d’habitude elle préfère les hommes. Leur histoire dure plusieurs mois, de bonheur intense, de sexe fou, de cérémonie de mariage païenne et de projet d’enfant. Assez pour qu’elles se connaissent bien et que Katia à qui il ne reste plus que son frère  écrivain au monde (Alexis Michalik) se livre sur la maladie peut-être héréditaire de sa mère et l’alcoolisme violent de son père. Elles se promettent de s’aimer toujours, malgré la peur de l’abandon et la complexité du monde… Et pourtant … 

Avec quelques meubles poussés, d’hôpital, ou d’intérieur et d’extraordinaires acteurs (bravo  à la jeune et merveilleuse Marie-Camille Soyer), Alexis Michalik parvient à condenser et à saisir une histoire d’amour sur 15 ans, avec beaucoup de rebondissements et presque trop de drames pour être vraisemblable, mais qu’importe : sur cette période il étend l’égoïsme à deux, à l’égoïsme de celui  qui part, aux générations passées, futures et aux implications des proches. Le texte est simple, avec des mots de tous les jours, les situations sont terribles et brutes, mais les interactions sont irrésistibles et la catharsis marche à plein. On pleure beaucoup, on rit autant, malgré les duretés de la narration et l’on se prend à aimer et détester un peu tous à la fois des personnages avec lesquels on s’identifie dans leur humanité. Les histoires d’amour finissent mal en général, et vraiment dramatiquement  quand l’hérédité s’en mêle, mais il est toujours courageux d’aimer, et même peut-être, d’enjoindre à aimer. Une pièce qui vous saisit et vous retourne sans que vous puissiez reprendre votre souffle une seule minute. Même aux moments les plus tragiques et attendus, Michalik prouve sa maestria du rythme, qui avait fait mouche dans Edmond. On en sort à la fois ému, lessivé, et rempli de tous ces sentiments qu’on a eu le courage de vivre pleinement dans sa vie. Un moment de théâtre intense et une pièce à recommander sans modération, réservation pour le mois de mars (février est plein) à l’appui!

Une histoire d’amour, d’Alexis Michalik, avec Pauline Bression, Juliette Delacroix, Marie-Camille Soye, Alexis Michalik et en alternance Lior Chabat, Violette Guillon et Amélia Lacquemant, 1h25, production Acme, du 9 janvier au 28 mars. 

visuel : affiche du spectacle. 

 

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David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

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