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Und au Théâtre des Célestins porté par une Natalie Dessay au sommet

Und au Théâtre des Célestins porté par une Natalie Dessay au sommet

12 March 2017 | PAR Elodie Martinez

Jouée la saison dernière à Paris après avoir été créé à l’Olympia de Tours, Und, adaptation de la pièce de Howard Barker, avait déjà fait parler d’elle pour la formidable interprétation de Natalie Dessay. Elle est actuellement reprise au Théâtre des Célestins du 8 au 15 mars, confirmant dans la capitale des Gaules le formidable talent de l’interprète.

Pour des raisons liées à la mise en scène et au décor, les portes de la salle ne s’ouvrent que 10 minutes avant le début de la représentation. Arrivé dans la salle, le public découvre alors la scène déjà ouverte sur laquelle se trouve Natalie Dessay, immobile face au public, droite, les mains dans le dos, clairement en position d’attente. Au-dessus d’elle, plusieurs fins rectangles de glaces suspendus, commençant à fondre, tout particulièrement ceux situés en arrière. Le bruit de l’eau tombant rythme ainsi le ballet des spectateurs s’installant, se taisant naturellement dès le premier baissement de lumière, sans le moindre appel au silence habituellement entendu avant un spectacle.

Cette « fonte des glaces » rythmera par ailleurs tout le spectacle, de plus en plus intense, les blocs finissant par tomber et se briser au sol avant que – sans surprise malheureusement – tous les blocs encore suspendus ne soient lâchés et se brisent ensembles avant le noir final, marquant le temps qui passe, implacable, insupportable parfois, mais aussi le temps passé qui s’envole en éclat, brisé et brisant certains rêves ou fantasmes. Les fantasmes, d’ailleurs, sont ici une question que le spectateur se pose : cette servante à laquelle l’héroïne s’adresse, existe-t-elle réellement, elle qui n’a pas d’existence physique sur scène ? Part-elle comme la femme nous le dis, ou bien n’at-t-elle jamais été là ? Et cet homme tant attendu, manifesté par un bruit de sonnette et des bruits de fenêtres brisées, existe-t-il également ? Grand mystère de la pièce, qui est-il ? Est-ce bien lui qui sonne ? Si oui, pour quelle raisons, lui qui semble arrêter les juifs : est-ce une visite d’amant, ou bien vient-il chercher une nouvelle victime à embarquer ? D’ailleurs, tous ces bruits sont-ils réels ? N’est-ce pas là l’entier fruit de l’esprit de la femme que nous voyons ?

Rapidement, nous nous sentons en effet comme dans la tête de cette femme de part le discours qu’elle tient, se stoppant dans ses phrases, liant une idée à une autre comme le font nos pensées que nous ne contrôlons pas. Les appels qu’elle fait à sa servante seraient alors les rappels de/à la réalité. Ou bien peut-être à une réalité imaginée ?

Portant tous ces mystères à bout de bras, Natalie Dessay offre une prestation difficilement égalable. La soprano française demandée sur les scènes du monde entier, cumulant les récompenses et les éloges dans l’univers lyrique, n’avait jamais caché que son désir était de jouer, bien plus que de chanter. Ayant décidé de stopper définitivement sa carrière dans l’opéra (poursuivant toutefois quelques récitals), elle goûte depuis les plaisirs de différentes scènes : celle de la comédie musicale avec Les Parapluies de Cherbourg, celle du chant de variété avec l’album Rio Paris, ou encore de comédienne de théâtre avec Und. Natalie Dessay n’est donc pas qu’une cantatrice, elle n’est pas qu’une chanteuse de variété, elle n’est pas qu’une comédienne : elle est tout cela à la fois. Elle est une grande artiste. Que l’on apprécie ou non l’ensemble de ses « reconversions », il serait malhonnête de ne pas reconnaître la formidable artiste scénique qu’elle est et, dans le cas présent, la formidable comédienne ou interprète de théâtre qu’elle est.

S’emparant avec une délicate justesse de ce personnage sans nom,  elle lui prête son corps et ses tripes durant plus d’une heure, la rendant accessible malgré un texte parfois vaporeux et une histoire finalement insaisissable. Qu’importe? L’artiste fait et défait le personnage, passant du rire aux larmes, donnant à voir la colère comme une profonde tristesse, passant ainsi d’un registre à un autre avec un impressionnant et vibrant jeu qui touche et atteint sa cible, le tout dans une maîtrise de la déclamation qui nous entraîne dans les mots comme dans un chant.

Infos pratiques

Le Festin-Centre Dramatique national de Montluçon
La Comédie de Clermont Ferrand
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