Marionnette
“Un océan d’amour” : plongée dans un grand bain de talent

“Un océan d’amour” : plongée dans un grand bain de talent

15 July 2022 | PAR Mathieu Dochtermann

Le Festival RéciDives bat son plein à Dives-sur-Mer. Dans la programmation, Un océan d’amour, de la compagnie La Salamandre, constitue une très jolie proposition à destination de tous les publics, parents comme enfants. Une histoire simple et touchante adaptée de la BD de Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione, magnifiée par une mise en scène et une interprétation aux petits oignons.

Deux employés de bureau un peu gris et un peu maniaques plient des papiers à la chaîne. Derrière leur grand bureau, des étagères et des casiers de rangement, gris aussi. Qui pourrait deviner que les deux compères partagent une inventivité à couper le souffle ? Pourtant, l’heure de la pause déjeuner sonnant, ils vont transformer leur entreprise en une scène de théâtre où ils donneront, sous nos yeux, toute la mesure de leur créativité.

Telle est la situation de départ d’Un océan d’amour, avec un effet de théâtre dans le théâtre posé avec simplicité mais aussi une grande maîtrise. Et tel est, en fait, tout le spectacle : dépourvu de toute prétention mais extrêmement généreux, léger dans son dispositif mais impeccable sur le plan de l’écriture, de la mise en images et du jeu. L’histoire dans l’histoire, toute simple, est celle d’un marin breton perdu en mer, et de sa femme partie à sa recherche. Un voyage pour un retour à la case départ, la séparation qui donne de la valeur aux retrouvailles, avec toutes les péripéties qui les séparent. L’Iliade et l’Odyssée, version contemporaine et condensée.

Le moyen est le théâtre de papier, qui sied évidemment au méta-univers du bureau. Pliages, pop-up, silhouettes de papier campent l’histoire, avec un trait et des formes naïfs mais élégants. Ce sont tous les ressorts de cette famille de techniques qui sont mises au service de l’histoire, qui se passe de mots (mais pas de grommelot) : ça s’envole, ça se froisse, ça se déchire, ça se découpe, ça se plie et se déplie, ça se range et ça se sort comme un rien, ça se prête même à une courte scène de théâtre d’ombre. Astucieusement employé, le théâtre de papier permet des choses incroyables, l’évocation de mondes entiers et de situations réalistes comme oniriques, et Un océan d’amour en est une belle démonstration.

On sent une volonté de rester à portée du jeune public, sans pour autant céder à la facilité ou à une dérive bêtifiante. Dire de la mise en scène de Denis Athimon qu’elle est ajustée au poil près n’est même pas lui rendre justice : elle allie la parfaite maîtrise du détail et la vision d’ensemble, l’intelligence du mouvement avec la précision du tempo. Pas moins. L’écriture scénique fait feu de tout bois : plans larges et plans serrés, incarnation par les marionnettes de papier – voire même les objets de papier, le chalutier peut par exemple être la métaphore du marin qui y a pris place – ou par les comédiens, bascules d’angle de vue, allers-retours entre deux lieux différents, tout est parfaitement net, et parfaitement fluide, avec une économie de moyen qui fait toute l’élégance du procédé.

Quant aux interprètes, Samuel Lepetit et Christophe Martin, ils portent l’ensemble avec brio. Leur rythme et leurs gestes sont bien calés, ils accompagnent les variations d’énergie de la mise en scène et de l’histoire en étant complètement pénétrés de ce qu’ils ont à raconter. Une jolie complicité les lie, qui rejaillit sur leurs différents personnages. Si on veut bien reconnaître que le spectacle est baigné d’amour, c’est au moins autant de leur fait que de celui de l’histoire. Et ils méritent largement le tonnerre d’applaudissements qui les ont salués à la fin de la représentation, vu le degré auquel ils donnent de leur personne sans retenue.

On ne peut que recommander ce spectacle qui allie précision et intelligence, aussi dynamique que réjouissant.

Le spectacle joue encore le samedi 16 à 13h30.

 

GENERIQUE

Mise en scène : Denis Athimon
Scénographie, construction, jeu, manipulation : Samuel Lepetit et Christophe Martin
Photo : (c) Stéphane Michel

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Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

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