Un « Misanthrope » déjanté en couche-culotte Le Montfort Théâtre présente une version de la célèbre pièce de Molière fidèle au texte du dramaturge (à quelques interjections près) mais résolument contemporaine dans sa mise en scène. Malgré de bonnes idées, un certain aspect « brouillon » en résulte.
Situé près du Parc Georges Brassens, à la périphérie du XVe arrondissement, le Montfort Théâtre se mérite, pour peu que vous habitiez rive droite. Le lieu en lui-même vaut le coup d’oeil, sa construction pyramidale rouge étant peu commune, et l’intérieur est aussi chaleureux que dépourvu de prétention -bancs et tables en bois sont accolés à un espace bar, où l’on peut siroter un verre en compagnie de son ami.e/amoureux.se/collègue en se livrant à une bataille de pour et de contre à propos de la pièce qui vient d’être vue.
Par Mélanie Tillement.
Ce théâtre est donc un espace de détente fort sympathique, mais qu’en est-il du Misanthrope ?Les personnages, vous les connaissez déjà : côté triangle amoureux, on retrouve Alceste, le misanthrope amoureux de Célimène (la bonne-vivante spirituelle) et son « amie » faussement prude, Arsinoé, qui crushe sur Alceste. Viennent ensuite les prétendants au coeur sauvage de Célimène, Clitandre et Acaste, ainsi que l’ami d’Alceste, Philinte, aussi sociable que son camarade est un ours, et qui finira par s’attirer les faveurs d’Eliante, la cousine de Célimène (qui au début, est amoureuse d’Alceste).
Une partie de ce beau monde est déjà sur scène au moment où les spectateurs prennent place (et sont d’ailleurs accueillis à grands coups de « Bonsoir Monsieur le Marquis/Madame la Comtesse ! ») par Philinte, coiffé d’une perruque à bandelettes colorées et vêtu d’une culotte bouffante ridicule. Une fois les retardataires assis sur leurs chaises et les téléphones éteints, voilà le spectacle qui démarre, d’une façon aussi fluide que les prémices de bienvenue menés par Philinte. Après un débat sur les avantages et les inconvénients liés à la compagnie des hommes entre Philinte et Alceste (Rodolphe Dana, aussi metteur en scène), qui a le mérite de faire prendre conscience au spectateur des positions campées par chacune des deux parties, la venue impromptue d’un gentilhomme permet au misanthrope de prouver sa franchise. Au pauvre vaniteux venu lui demander ce qu’il pense de son sonnet (atrocement chanté avec une guitare électrique dans cette version du Misanthrope), Alceste s’exclame : « Quel besoin, si pressant, avez-vous de rimer ? Et qui, diantre, vous pousse à vous faire imprimer ? ». Et le freluquet, bien que peu habitué à entendre la vérité sur ses mauvais vers, fini par comprendre que son vis-à-vis méprise la bouillie sortant de sa bouche. Il quitte donc le logis d’Alceste très fâché, et voilà ce dernier qui sans perdre de temps se fait un nouvel ennemie en la personne de Célimène -à qui il fait une scène de jalousie, trouvant qu’elle a trop d’amants.
Et ce petit monde se croise, se brouille, s’invective, se ment ou se dit la vérité selon son bon vouloir et ses convictions. Les comédiens investissent l’espace à leur disposition et si certaines idées de mise en scène sont jouissives, d’autres sont plus brouillons. Transposer l’accord entre Clitandre et Acaste (afin que le premier qui obtient les faveurs de Célimène se voit laisser le champ libre par le second) dans un sauna, est une métaphore simple et efficace de l’expression « se mettre à nu ». En revanche, les acteurs gesticulent parfois un peu trop, et le fait que Célimène se déshabille sur scène semble superflu (se mettre en culotte ne sert pas vraiment ses commentaires acerbes sur ses prétendants).
On passe un bon moment devant ce Misanthrope auquel on ne peut nier un grain de folie, et les deux heures que durent la pièce n’en paraissent qu’une. Toutefois, quelques hésitations dans les dialogues et cafouillages viennent troubler cette expérience immersive délurée au pays des faux-semblants.
Le Misanthrope mis en scène par Rodolphe Dana, Le Monfort théâtre du 22 janvier au 1er février puis à la Maison de la Culture de Bourges du 05 au 07 février, à la Scène Nationale d’Aubusson le 14 février, au Parvis (Scène nationale Tarbes Pyrénées) du 19 au 21 février, au Grand T à Nantes du 25 février au 02 mars, au Quai des rêves de Lamballe du 07 au 08 mars.
visuel : (c) Jean-Louis Fernandez