Spectacles
Supernova – un spectacle itinérant de Thomas Pondevie

Supernova – un spectacle itinérant de Thomas Pondevie

09 April 2019 | PAR Julia Wahl

Le lycée Maurice Ravel de Paris accueille pour la semaine le spectacle Supernova de Thomas Pondevie. Un spectacle en trois pans, où la misère n’exclut pas une certaine magie.

Des textes centrés sur la chute

Ce sont trois textes qui n’ont a priori rien à voir avec la scène que Thomas Pondevie – artiste associé du Nouveau Théâtre de Montreuil – accueille ici : le premier est Comment construire un feu, de London, le deuxième Un artiste de la faim, de Kafka et le troisième Comment j’ai tué un éléphant, d’Orwell. Un phénomène qui n’est certes pas unique, puisque le texte de London fut joué cette même saison au Studio-Théâtre de la Comédie française dans une mise en scène de Marc Lainé. Mais la proposition, diamétralement opposée, de Pondevie donne à ce texte une autre ampleur.

Alors que la proposition de Lainé reposait en grande partie sur une scénographie faisant la part belle à l’objet et à la vidéo, la mise en scène que nous pûmes voir à Maurice Ravel prend le parti de remettre l’acteur au centre. La scénographie, faussement minimaliste, est faite d’une baraque de fête foraine qui, aussi étrange que cela paraisse, s’inscrit très bien dans le gymnase d’un lycée. Il est vrai que ce dernier a des murs d’un beau rouge qui n’est pas sans rappeler la représentation topique des cirques et roulottes. Une roulotte à l’éclairage soigné, à peine perceptible, qui projette sur ce même rouge les ombres de cet imprudent chasseur d’or ou passe à un bleu discret quand le froid se fait plus mordant. Peut-être un rappel s’impose-t-il ici : Comment construire un feu raconte l’histoire d’un chasseur d’or qui, faute d’écouter les conseils des anciens, meurt littéralement de froid. 

A cette mort lente et douloureuse répond celle du jeûneur de Kafka : un homme qui sillonne le pays pour s’exhiber en train de jeûner. Un spectacle qui connaît d’abord de grands succès avant que le public ne se tourne vers “d’autres divertissements”. Aussi “l’artiste de la faim” mourra-t-il seul, dans la paille de sa cage. Quant au texte d’Orwell, il raconte comment un soldat de l’empire colonial en vient, malgré lui, à tuer un éléphant. Trois textes durs, de personnages qui tombent, que la mise en scène parvient à nous rendre plus fascinants que douloureux. 

Une mise en scène de foire ?

Le premier mérite revient à la performance des acteurs : Iannis Haillet, le chercheur d’or de London, happe par sa présence et son jeu tout en retenue, qui fait de cette descente aux enfers une expérience aux allures initiatiques. Romain Pierre – le jeûneur – et Caroline Menon-Bertheux – le soldat colonial – ne sont pas en reste, parvenant à nous faire vivre leurs personnages tout en nous maintenant dans la distance des spectateurs des baraques foraines. 

Ce sont des qualités d’acteur autant que de conteur qui nous emportent lors de cette première partie. Jouant en effet de l’écart entre leur rôle implicite de forains et leur présence dans un spectacle programmé par un CDN, ces trois acteurs parviennent à nous fasciner comme une diseuse de bonne aventure et à incarner leurs personnages tout en nous racontant leurs histoires à la manière d’un conteur. Cette tridimensionnalité de leur jeu est essentiel au charme – au sens premier du terme – de la pièce.  

Quant au principal dispositif scénographique, il est donc fait d’une “boîte” ressemblant à une baraque de foire qui présente l’intérêt, pour un spectacle itinérant, de faire un théâtre de n’importe quel lieu. Ce qui semble d’abord un procédé lié à des contingences matérielles – la nécessité de devoir jouer dans des espaces qui ne sont pas dédiés au théâtre – devient un élément fondamental du complexe de fascination magique de la pièce : par un processus qui doit avoir partie liée à la régression, cette “boîte” nous transporte dans les mondes magiques de notre enfance, où les plus délabrées des roulottes ne pouvaient renfermer que des trésors de boules de cristal. Elle permet également une bipartition de l’espace que, entre deux fragments, le spectateur traverse en suivant des flèches “par ici” qui ne sont pas sans évoquer de poussiéreux trains-fantômes. Un circuit qui nous guide avec une apparente douceur vers des récits de mort.

Du 9 au 12 avril au lycée Maurice Ravel, à 9h et 14h30 (1 heure). 

Crédit photo : Jean-Louis Fernandez.

Deux jours au Festival Chorus des Hauts-de-Seine 2019
Gagnez 2×2 PASS pour Collisions Urbaines donnant accès aux trois journées du festival !
Avatar photo
Julia Wahl
Passionnée de cinéma et de théâtre depuis toujours, Julia Wahl est critique pour les magazines Format court et Toute la culture. Elle parcourt volontiers la France à la recherche de pépites insoupçonnées et, quand il lui reste un peu de temps, lit et écrit des romans aux personnages improbables. Photo : Marie-Pauline Mollaret

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration