Théâtre
STRIP, une expérience entre fantasme et réalité

STRIP, une expérience entre fantasme et réalité

05 December 2022 | PAR Camille Curnier

L’envers d’un décor suscitant toutes les curiosités et générant les fantasmes. Déjà repéré au Off d’Avignon, Strip, Au risque d’aimer ça, nous plonge dans l’univers du strsiptease et l’art de la séduction aux travers de récits intimes et de l’expérience immersive du “tease”.

Le monde caché du strip au cœur des fantasmes 

L’immersion débute dès l’entrée du théâtre. L’espace devient productif de sens et nous sommes projeté·e·s dans la réalité des dessous d’un club de striptease. Nous descendons les escaliers à travers des rideaux de perles un peu kitschs. Un décor romantique aux allures de boudoirs, des peintures aux murs et des drapés qui nous guident jusqu’à la scène. Ce qui n’est pas visible le devient grâce à l’ambiance esthétique dans laquelle nous sommes plongé·e·s. Accueilli·e·s par un air de jazz joué au piano et des odeurs envahissantes d’encens, les spectateur·ice·s prennent place et prennent part dans la petite vie qui s’éveille au sein des loges du strip-club.

C’est dans ce lieu que la fragilité du corps et de ses pulsions se laisse aller. La performance nous dévoile un monde de rencontre au-delà des stéréotypes diffusés par une société de consommation pervertie par la pornographie. Nous entrons dans l’univers du Théâtre Chochotte au travers de témoignages et d’interviews de celles et ceux qui ont un jour traversé cette expérience d’un club de striptease. On y découvre Mademoiselle, la patronne du théâtre. Sans même la voir où l’entendre, elle nous devient familière. Une grande dame vêtue d’un long kimono léopard, coiffée d’une chevelure blonde et bouclée, connue pour ses cours de séductions et sa manie de parfumer les tapis après le passage des clients. L’effeuillage à la Française, où certains shows vous impose un spectacle érotique sur les musiques de Colette, de Barbara ou encore d’Edith Piaf. Les spectateur·ices·s traversent les arcanes du désir et découvrent ce geste fort qui est de se mettre à nu.

” Le tease est un stimulus dont on connaît le point de départ, mais jamais le point d’arrivée”

Une performance théâtrale actée par des témoignages

La performance est pensée en cinq actes guidés par la présence virtuelle de Taos, Qijun, Manon, Kimberley et Laurence, toutes interviewées à l’occasion du show. Ces anciennes (vraie) stripteaseuses nous font part de leurs réflexions sur la nudité et sur la complexité qu’est cet acte du striptease tant pour ceux et celles qui le pratiquent que pour leur public. Un véritable éloge de la femme nue qui est libre d’expression et non comme un objet dénoué de conscience. Sans tabou et sans préjugés, elles nous dévoilent la jouissance que procure cette pratique et l’amour qu’elle lui porte.

Le strip, c’est l’acceptation de son corps, un travail sur soi, mais aussi sur le regard de l’autre. C’est utiliser les défauts et les sublimer. Oser effleurer une partie de soi-même que l’on n’avait pas imaginé et se laisser porter par cette liberté fragile. Certaines d’entre elles décident de mener une double vie au risque que l’on puisse les reconnaître un jour, d’autres décide d’assumer pleinement leurs choix. Être la stripteaseuse, c’est aussi savoir écouter l’autre, prendre en compte la vulnérabilité et le besoin de jouissance que recherche les client·e·s. Un vrai lieu social où les genres, les âges et catégories sociales s’entrechoquent harmonieusement. “J’ai réalisé que nous étions des assistantes sociales de l’extrême”, nous dévoile une des femmes sur scène.

La stripteaseuse est un personnage de tous les fantasmes. Kimberley devient Ophélie, elle décide de choisir un nom de scène en rapport à une peinture de John Everett Millais. Elle nous dévoile que lorsqu’elle travaillait encore pour le Chochotte, son fond d’écran de téléphone représentait la première partie de l’œuvre, où Ophélie flotte sur l’eau élégamment et entourée de fleurs. Maintenant qu’elle n’est plus stripteaseuse, son fond d’écran représente la deuxième partie de l’œuvre, où Ophélie coule lentement vers le fond de la rivière avant de disparaître. Kimberley laisse peu à peu son personnage se défaire d’elle-même. Ophélie était sa muse, mais également son bouclier qui la protégeait du monde extérieur.

Une immersion virtuelle dans les cabines privées d’un strip-club

Au-delà du show présenté, certain·e·s spectateur·ice·s sont invité·e·s à s’éclipser le temps de 7 minutes à la fin de chaque chapitre pour expérimenter des “salons privés”. La première personne choisie pour le spectacle privatif se voit offrir une fleur avant de quitter les lieux par les coulisses. L’air un peu gêné, on le voit partir et revenir avant de se réinstaller dans les gradins. Lors du second passage au contraire, c’est tout enthousiaste que la seconde personne s’est échapée avec l’une des comédiennes pour assister à son spectacle privatif. En réalité, une fois guidé.s à l’extérieur, les spectateur·ice·s se verront plongé·e·s en réalité virtuelle dans une cabine privée où il ou elle se mettra dans la peau d’une stripteaseuse face à un client. Une expérience qui inverse les rôles et permet de devenir l’objet du désir et de confessions.

“Les histoires racontées sont des histoires d’amour et de sexualité qui dévoilent la sensibilité et la vulnérabilité.”

La représentation est suivie d’un bord plateau organisé avec l’équipe du spectacle ainsi que deux intervenant·e·s du STRASS, le Syndicat du travail sexuel en France. Non reconnu comme un métier par l’Etat, les travailleur·euse·s du sexe ne sont pas traités comme les autres secteurs du monde du travail et ne sont de ce fait pas protégé·e·s par le droit du travail. Pour beaucoup, le travail de stripteaseur ou de stripteaseuse doit être déclaré comme de l’intermittence du spectacle et iels ne sont pas déclaré.e.s sur toutes les représentations. L’objectif du STRASS comme du Strip vise à casser cette idée collée aux travailleurs et travailleuses du sexe, impliquant qu’iels soient systématiquement victime de l’exploitation.

Visuel : ©

Agenda de la semaine du 5 au 11 décembre 2022
Une œuvre de Banksy victime d’une tentative de vol
Camille Curnier

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