“Shakespeare is dead, get over it!” au Théâtre du Rond Point
“Vivez proprement, pensez au suivant” a dit Godard, ce cher Jean-Luc que les quatre comédiens brillants du collectif ildi eldi invoquent toute une pièce durant pour nous raconter l’histoire d’amour foireuse mais intense entre William l’alter mondialiste et Anne, la fan de Shakespeare. “Shakespeare is dead, get over it” signe un vent de changement au Théâtre du Rond -Point, glissant pour notre grand bonheur vers un théâtre très contemporain, qui à l’instar de Genêt “ne doit pas divertir le public mais l’éblouir”. Préparez-vous à rire franchement, à être perturbé dans vos habitudes et finir par être touché.
Pendant l’entrée du public les comédiens se promènent sur un plateau foutraque qui mêle un studio d’enregistrement, un appartement et un hôpital, le tout ponctué par des panneaux montés sur roulettes. Un vrai faux départ et ils nous balancent un texte drôlement décousu qui mêle la mort d’un Daim tué par le grand Will, la mort de Marylin et aussi, une manif anti Gap. Le point commun? Oui, il y a en un, une date, le 5 août, où tous ces événements ont eu lieu. Le 5 août toujours William et Anne se rencontrent autour d’une certitude, un film de Godard, suivie d’un doute… mais lequel? L’un pense Le Mépris, l’autre Deux ou trois choses que je sais d’elle.
Cela change-t-il quelque chose? Les vies sont-elles prédestinées? La pièce pose avec justesse et humour fin les questions soulevées par la crise de la trentaine. Nos quatre personnages sont interchangeables et utilisent souvent le récit rapporté. William et Anne sont tous les couples tiraillés entre leurs rêves et leur réalité. Elle vit dans un XVIIe siècle fantasmé, il manifeste bobo travaillant chez Gap, contre Gap… Les paradoxes et les résignations sont légions dans ce spectacle qui vient casser les illusions adolescentes.
Pour ces enfants de baba-cool, le dieu c’est Godard leur indiquant le chemin. En prophète, sa voix jaillit, ici remarquablement bien imitée, venant dire la vérité vraie à ces âmes paumées. Confrontés au réel, nos héros feront-ils un choix tragique ou raisonnable?