Théâtre
Sentiments connus, visages mêlés, de Christoph Marthaler, personnages en quête d’harmonie

Sentiments connus, visages mêlés, de Christoph Marthaler, personnages en quête d’harmonie

24 November 2019 | PAR David Rofé-Sarfati

 Le Festival d’automne programme cette année un spectacle crée en 2016  de Christoph Marthaler: Sentiments connus, visages mêlés. Le public sûr de son plaisir y accoure nombreux. Avec raison.

Le décor est presque vide, habité par trois pianos et une cage d’ascenseur; aux murs les empreintes laissées par des tableaux depuis longtemps décrochés. On cherche le hors champ de cette pièce aveugle  derrière une grande double porte.  De cette issue apparaît le factotum d’un musée qui traîne des caisses sur un chariot à roulettes. Il en extrait des comédiens remisés dans une réserve que l’on imagine derrière cette grande porte. De vieux comédiens sortis de cet entrepôt vont lentement se transformer en oeuvres d’art, mais aussi en personnages désirant et volontaires. La pièce devient une abracadabrante salle de musée. 

C’est lors du départ de la Volksbühne à Berlin de son directeur, Frank Castorf  que Christoph Marthaler, écrit ce spectacle en forme d’adieux. Bekannte Gefühle, gemischte Gesichter imagine les foutraques retrouvailles de la troupe suisse et de celle de la Rosa-Luxemburg-Platz, qui étaient en résidences artistiques à la Volksbühne.

On retrouve tout l’univers de Christoph Marthaler, un univers légèrement rétro, décati au sein duquel les comédiens (ses vieux complices) œuvrent à  ne rien faire, gesticulent pour ne rien entreprendre. La pièce est hilarante grâce à la performance des comédiens au jeu décalé, toujours très juste dans le débordement, parfois loufoque. Marthaler interroge le temps qui passe. Il dresse l’inventaire de ces personnages comédiens sortis d’une retraite en entrepôt, et de ce qui reste d’eux.

Le propos est sombre et cruel. Dans ce lieu improbable, chaque geste, chaque mot prononcé est vain et pathétique. Sauf qu’il y a la musique. De Verdi à Schubert en passant par Boby Lapointe les personnages transcendent une triste nostalgie pour s’essayer à autre chose. Le temps s’arrête lorsque les comédiens chantent leur joie de vivre. Les pauses musicales, et la troupe est merveilleuse en ceci, construisent entre les personnages une éphémère harmonie. Durant quelques minutes chacun est au diapason de l’autre. Le groupe se synchronise dans le même élan. L’expérience du spectateur se situe dans l’entre-deux d’une triste mélancolie et d’une joyeuse bonne entente. Le rire nous sauve de l’abandon vécu par ces personnages déchets de musée; les chansons recréent l’espoir qu’autre chose pourrait advenir.

Christof Marthaler nous rappelle à la Grande Halle de La Villette qu’il sait rendre compte  de son époque. Il brasse le jeunisme, les relations illusoires de ses contemporains  au sein des réseaux sociaux; il n’oublie pas l’actuelle primauté donnée au corps photographié, marchandisé sur Instagramm ou Snapchat. Il nous rappelle aussi et surtout la puissance de son humour.

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Bekannte Gefühle, gemischte Gesichter (Sentiments connus, visages mêlés)

De Christof Marthaler

Durée : 2h10
Spectacle en allemand surtitré en français

 

Crédits photos © Walter Mair

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