Scimeca, Sorlin et Tual cherchent un futur dans la merde aux Amandiers (et c’est génial)
Jusqu’au 27 septembre, ces trois ex Chiens de Navarre reviennent aux origines, celles du théâtre et de l’humanité, avec”Jamais labour n’est trop profond”, une plongée foutraque dans notre monde qui collapse.
Retour aux sources
Alors ça commence comme ça : Thomas Scimeca est assis sur une cuvette des toilettes sèches, le caleçon baissé, et il téléphone. A ce moment là de l’histoire, on lui propose de tourner dans un film à Cannes et d’être extrêmement bien payé. Choix cornélien : quitter le monde d’avant ou y retourner. Maxence Tual ne lui laisse pas le choix, explose son téléphone et lui intime l’ordre de retrouver “l’éthique”. Bientôt, Anne-Elodie Sorlin (ultra-bodybuildée) mettra les mecs à table autour d’une pizza. Ça commence comme ça. Et ça continue comme ça.
Rire du pire
L’humour est un outil majeur de la pièce où tout déborde. Il faut dire que tous les trois mènent un grand projet écologique : créer un machine, la “merdoduc”, qui permet de créer de l’électricité et de l’eau avec des secrétions humaines. Alors évidemment on rit bien, mais alors bien gras, car le trio qui se rassemble pour la première fois depuis leur départ des Chiens vient chercher le pire du potache pour en extraire une forme de vérité.
En interview, Thomas Scimeca nous disait au sujet du spectacle : “On a peu d’argent, aucune velléité scénographique (ce qui est d’ailleurs une des premières phrases du spectacle), on n’est pas à Nanterre pour faire du Peduzzi car on n’a pas son talent, mais on se targue de faire un théâtre d’acteurs et rien que pour les acteurs, c’est notre seule vanité. C’est encore le cas avec ce Jamais labour n’est trop profond. Sauf que nous avions le désir d’apporter cette fois-ci et avec très peu d’argent (« l’argent nous intéresse pas », encore une phrase pertinente du spectacle) la dimension contemplative. Une « scéno » frugale (c’est le moins qu’on puisse dire) mais une volonté de créer des images folles et un rapport mélancolique, charnel au plateau qui nous entoure.”
Comme un rêve
Et tout cela se passe. La beauté surgit, s’ouvre à nous dans un espace qui s’invite sur scène. Le théâtre le plus tragique est porté sur scène avec un Eschyle convoqué comme si il était une star. Finalement, Jamais Labour parle autant de la crise écologique que du métier d’acteur.
Il y a ce moment où Leslie Bernard joue en robe élisabéthaine et un autre où Anne-Elodie Sorlin se lance dans une tirade de Prométhée dans le noir, car la machine ne produit plus de lumière. Ou lorsque cette réplique “derrière chaque idée se cache un cadavre” résonne pendant que, eux, jouent dans les costumes d’autres spectacles, dans le théâtre que Chereau a dirigé et que Quesne va bientôt quitter.
L’accumulation, les transitions sans transitions font que le spectacle apparaît comme un rêve, un rêve fou, qui recouvre une dimension encore plus farfelue quand on le raconte. Et cela aussi, de cette idée-là, ils en font spectacle.
Pour résumer, “c’est la merde”, rien ne va plus, alors autant tout regarder en face, le passé, le présent et le futur. Et qui sait, le jazz de Thomas de Pourquery viendra peut être encore apaiser ce tourbillon de drames ?
Visuel : ©Ph. Lebruman