Théâtre
Rencontre avec Nicolas Maury, acteur

Rencontre avec Nicolas Maury, acteur

11 March 2011 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Nicolas Maury est comédien et acteur, il préfère le second terme au premier, il commence sa carrière à 16 ans dans Ceux qui m’aiment prendront le train, à 30 ans, il joue au Théâtre de la Ville un texte de son auteur fétiche, Philippe Minyana. Un acteur monstre et immensément sympathique aux projets infinis. Rencontre.

Je vous ai récemment vu au Théâtre de la Ville dans Les Rêves de Margaret. La dernière fois, c’était au  festival d’Avignon, vous participiez à une lecture magistrale sous la direction de Mathieu Bertholet. A chaque fois vous incarniez un personnage en errance, comment préparez vous ces rôles là ?

Je ne réfléchis jamais en terme de rôle, je ne crois pas en l’idée de personnage, je crois en l’idée d’humain, à la personne, je fais venir le rôle à moi. Je ne choisis pas grand-chose, les gens voient en moi le déséquilibre, ça peut être des désaxés. Mais je crois que ça vient de mon état d’acteur, je cherche ce déséquilibre, la virtuosité ne m’intéresse pas. Maîtriser quelque chose, c’est le laisser  infini.
J’ai fait Moritz l’année dernière dans “l’Eveil du Printemps” à la Colline et on m’a dit la même chose, c’était un personnage qui vivait un gouffre et choisissait le suicide. Je n’attire pas les choses manichéennes.

Ce n’est pas la première fois que vous travaillez avec Philippe Minyana, “Voila” au Rond Point et “La Maison des morts” au Vieux Colombier. Florence Giorgietti et Philippe Minyana se connaissent depuis 20 ans, comment on entre dans cette relation ?
La clé de voute c’est Robert Cantarella, il m’a auditionné quand je suis sorti du conservatoire, et il m’a engagé dans sa troupe et depuis 2005 j’ai fait tous ses spectacles. Philippe, qui était également au CDN Dijon-Bourgogne a été une rencontre décisive dans ma vie. C’est un auteur qui écris en pensant à moi, je le dis sans prétention. Philippe a besoin de se recréer une famille a cause des gouffres qu’il a eu dans sa propre famille, mais ce n’est pas une famille molle, d’habitude, il aime travailler avec des gens qui le dérange, moi aussi il me dérange. Son écriture travaille le squelette des choses et pas la graisse. Son écriture est sèche, elle pose des questions d’auteur à un acteur. Florence Giorgietti travaille avec des acteurs-auteurs.
Ma rencontre avec Philippe Minyana et Robert Cantarella est aussi liée à Noëlle Renaude avec qui j’ai un partenariat depuis des années, on va jouer tous les deux “La promenade”  au Théâtre Ouvert en avril, puis chez Hubert Colas à Marseille.

Vous travaillez avec la même troupe depuis 5 ans ?
Oui et non, chacun a ses trajectoires, c’est comme une chose qui métastase. C’est une famille de cœur et de pensée du théâtre, au risque d’être dans une chose âpre, mat, de travailler plutôt le mat que le brillant, artistiquement, c’est quelque chose qui m’a toujours beaucoup plu.

Vous avez eu l’occasion de travailler avec Patrice Chéreau dans Ceux qui m’aiment prendront le train. Comment s’est passé la rencontre et aimeriez vous travailler avec lui au théâtre ?
J’étais en A3 en bac théâtre à Limoges, je viens d’un village dans le limousin. Ma vie s’était d’apprendre le théâtre. Il y a eu un casting pour un petit rôle qui s’est transformé en 21 jours de tournages. A ce moment, je jouait Roberto Zuccho au CDN. J’avais 16 ans et je ne connaissais pas le Chéreau théâtral, j’avais une culture cinématographique et littéraire, dans ma région, c’était plus accessible. Un jour Dominique Blanc apprend que je joue du Koltès et me demande si j’en ai parlé à Chereau, j’ai répondu non ! Je ne voyais pas pourquoi! J’avais 16 ans il faut dire…
Sur ce tournage , au jour le jour je côtoyais Trintignan, et surtout Valeria Bruni Tedeschi. Elle est un idéal de jeu pour moi.
J’ai revu Chéreau plus tard à Paris quand j’ai eu le conservatoire, il était intrigué par le petit provincial que j’étais et qui avait  dit très tôt qu’il aurait le conservatoire.  Nous ne nous sommes jamais revus.

Il est étonnant de voir que Patrice Chéreau et Philippe Minyana était deux auteurs/metteurs en scène associés au Théâtre de la Ville.
Il n’y a pas eu de pont alors que j’ai recroisé Valeria Bruni Tedeschi.  Je connais très bien Pascal Gregory, j’ai peut-être un projet avec Thierry de Peretti qui a travaillé avec Chereau.  J’espère un jour…

Vous parlez de théâtre et de cinéma, vous avez une double carrière, avez-vous fait un choix entre le deux, êtes vous acteur ou comédien ?
Je me vois comme un acteur. On dit « comédien » pour dire que l’on respecte mieux un comédien de théâtre. Entre les deux, je choisi « monstre » de théâtre, ou « monstre » de cinéma. Ce que j’aime chez un acteur, c’est le monstre, pas le monstre qui fait peur. Les acteurs qui cherchent le monstre, je trouve cela très beau, comme Valeria Bruni Tedeschi, Michael Lonsdale , Dreville, Huppert… je cite des gens mythiques mais qui font leur métier, dans acteur il y a le côté faire.
Philippe Minyana dit « je fais du théâtre ».  On ne doit pas être des théoriciens de plateau mais des praticiens.
Je n’aime ni la virtuosité de l’incarnation, ni la distance. Parfois dans le théâtre contemporain, on est uniquement porteur d’un texte, alors qu’on à faire au théâtre avec un corps qui déborde, parfois non stabilisé.

Vous avez fait le choix du théâtre contemporain ?
J’ai joué du grand classique, Marivaux, Hippolyte de Garnier en ancien français…je crois qu’on peut faire des textes classiques de façon très tranchante. J’adorerais jouer du Strinberg ou du Tchekhov. J’ai plein d’envie. Le théâtre contemporain c’est un amour brut, c’est une évidence pour moi, cela suppose un corps qui ne préexiste pas et un texte en création. J’aime arriver sur un plateau et être porteur d’une langue nouvelle.

Vous avez des projets au cinéma ?
Oui, j’ai le premier rôle dans un film qui va sortir en juillet, “Let my people go”, écrit par Christophe Honoré, réalisé par Mikael Buch, c’est un premier film.

Toute la culture est un journal plutôt parisien, quels sont vos lieux fétiches ?
J’adore la librairie vendredi , 67, rue des martyrs. Elle ressemble à un décor de Polanski, il y a des étagères jusque en haut et des livres introuvables. Il y a un restaurant tibétain juste là ( il désigne le théâtre des Abbesses), le Gang Seng que j’aime bien…Et puis, bon, même si c’est trop cher, le café Marly, mais il y a la vue!

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

5 thoughts on “Rencontre avec Nicolas Maury, acteur”

Commentaire(s)

  • Claire Linda

    Superbe !

    March 11, 2011 at 14 h 08 min

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