Théâtre
Portrait : Les aventures rocambolesques de la famille M

Portrait : Les aventures rocambolesques de la famille M

01 February 2019 | PAR Magali Sautreuil

Folie douce, passion dévorante, ambition ou un peu de tout ça mélangés, on ne saurait décider. Toujours est-il que le collectif Les Impromptus est plein de surprises et de ressources et qu’il parviendra, sans nul doute, à faire de leur vie un rêve, et de leurs rêves une réalité, écrivait Antoine de Saint-Exupéry.

À la conquête du public dans la jungle du off d’Avignon

Le collectif Les Impromptus est né de la passion du théâtre, et de l’art en général, de ses membres. La plupart d’entre eux se sont d’ailleurs rencontrés au cours Florent, à Paris.

À peine furent-ils sortis de l’école qu’ils tentèrent le pari fou de produire un spectacle et de se démarquer dans la jungle du festival off d’Avignon 2018.

Un véritable défi pour cette jeune compagnie, surtout quand on sait qu’elle a eu à peine trois mois pour mettre en scène et répéter son spectacle ! Les répétitions avaient lieu dans une salle de théâtre louée pour l’occasion, principalement de nuit, entre 21 heures et 4 heures du matin.

Pour une jeune compagnie, qui n’avait ni attaché de presse, ni chargé de diffusion, Avignon représente un risque considérable ! Mais les membres du collectif étaient prêts à tout et brûlaient du désir de faire leurs preuves…

C’est ainsi qu’ils se sont retrouvés au théâtre de l’ange pour leur premier festival off d’Avignon. À leur arrivée, ils pensaient qu’il serait facile de remplir cette « petite » salle de 90 places, située au 15 rue des Teinturiers. Puis, quand ils ont réalisé qu’ils étaient en concurrence avec 1538 autres spectacles et qu’ils étaient totalement inconnus, ils se sont rendus compte que cela ne serait pas si simple…

Mais il en fallait davantage pour venir à bout de leur mental d’acier ! En plus de leurs représentations, ils ont énormément communiqué, allant même jusqu’à distribuer des flyers une dizaine d’heures par jour ! Physiquement, cela était assez éprouvant, mais ça leur a aussi permis de réaliser de bons chiffres. De nombreux amis et collègues, dont certains ont d’ailleurs fini par rejoindre le collectif, sont venus les aider et les soutenir moralement. Au fur et à mesure du festival, ils ont appris à communiquer intelligemment, sans s’épuiser, aux heures où le public était le plus disposé. Ils paradaient ensemble avec une énorme structure en bois roulante, en chantant et en brandissant une immense bannière de trois mètres sur deux du spectacle.

Ces efforts s’avérèrent payants, puisqu’ils ont eu un certain succès au théâtre de l’ange, à deux ou trois exceptions près, où ils n’ont eu qu’une vingtaine de spectateurs. Dès la première semaine, une 30 à 40 personnes venaient voir le spectacle chaque jour. Durant la seconde partie du festival, ce dernier a même affiché deux fois complet et tournait entre 70 et 80 spectateurs. Et, pendant la dernière semaine, quand l’effervescence du festival commençait à s’estomper, il comptait encore une quarantaine de spectateurs.

Ce succès s’explique bien évidemment par le travail fourni par le collectif, mais aussi par une chance que certains considéreront comme insolente, celle d’avoir été programmée en fin de journée, à 18 heures 30, ce qui est un bon créneau pour attirer le public.

Même si, dans son ensemble, le festival off d’Avignon a été une expérience formatrice et une réussite, la compagnie a néanmoins éprouvé quelques regrets et une certaine frustration. Les conditions dans lesquelles elle jouait n’étaient en effet pas idéales. Comme elle n’avait qu’une heure de représentation, son metteur en scène a dû énormément réduire le spectacle et gommer quasiment toute la scénographie. Impossible de créer sur scène l’univers qu’il avait imaginé : le plateau était trop petit, de même que le stockage décor et ne parlons même pas du temps d’installation ! Que voulez-vous faire en seulement cinq minutes ? Pas grand-chose… Avignon demeure certes une belle vitrine pour une troupe de théâtre, mais artistiquement parlant, le festival demande des concessions, dont certaines sont insupportables…

Son premier spectacle : La maladie de la famille M., de Fausto Paravidino

C’est toutefois grâce à ce premier projet artistique présenté au festival que le collectif Les Impromptus a rencontré son attachée de presse, Sandra Vollant, qu’il a pu se produire au théâtre de Ménilmontant en novembre dernier et qu’il jouera prochainement son spectacle, La maladie de la famille M, au théâtre Clavel, à Paris, et ce, dans son intégralité.

C’est une pièce qui tient particulièrement à cœur à Yannis Moussouni, le metteur en scène. C’est un de ses professeurs au cours Florent qui lui avait conseillé de la lire. C’était la première pièce qu’il lisait de Fausto Paravidino et il n’en revenait pas… Le personnage de Gianni, le fils cadet de la famille M., c’était lui, un an auparavant. C’était en quelque sorte son histoire… Mais, ce qui a surtout plu à Yannis dans cette pièce, c’est le style incomparable de Fausto Paravidino : son écriture très nerveuse, son sens du tragi-comique et les répartis de ses personnages au caractère bien trempé.  

L’histoire gravite autour de cette fameuse famille M., dont la mère s’est suicidée quelques années auparavant. Suite à cet événement tragique, le père, Luigi, est devenu fou et ses enfants s’ennuient à mourir, reclus dans un village paumé en pleine campagne, d’où l’idée du metteur en scène d’un squat perdu au milieu de la nature. Les enfants rêvent d’évasion… mais personne dans cette famille n’arrive à faire le deuil de la mère. L’une des deux sœurs, un peu rebelle, collectionne les hommes et les avortements, tandis que la deuxième a mis sa vie entre parenthèses pour s’occuper de s’occuper de son père et de la famille. Quant au petit frère, il emmerde tout le monde.

Alors que l’un des grands thèmes de la pièce est la vacuité et l’ennui, le metteur en scène a voulu qu’il n’y ait aucun temps mort dans la pièce. Les personnages ne cessent de se croiser et le spectateur passe continuellement d’une scène à l’autre. Les seuls moments de silence présents interviennent après des séquences fortes.

L’histoire se déroule principalement dans la maison de la fameuse famille M. Il y a d’autres lieux, qui ne sont pas forcément décrits, mais qui sont des points de rendez-vous ou des endroits où les personnages se présentent. Il y a le cabinet du médecin, médecin, qui est également le narrateur de la pièce et qui s’adresse directement au public. L’auteur opère une sorte de mise en abîme à travers lui. L’idée du metteur en scène consiste à isoler chaque lieu, tout en les faisant communiquer. La maison est enfermée par l’extérieur, afin de matérialiser le rapport avec la liberté psychologique, physique… Tendue derrière cette dernière, se dresse une immense toile de 2,10 mètres sur 1,60 mètre, qui symbolise le souvenir omniprésent et étouffant de la mère. Le lieu de rendez-vous s’est transformé en une sorte de squat en plein air, perdu au milieu de la nature. Il se situe dans la prolongation de l’espace vide, matérialisé, de même que le cabinet du médecin, ce qui est pratique pour les monologues de ce dernier en tant que narrateur. Le cabinet est installé sur des praticables, ce qui le distingue des autres espaces et lui donne un aspect un peu solennel, du fait de sa position surélevée. Le metteur en scène a voulu un décor assez réaliste et naturel, composé, pour l’extérieur, de vraies souches d’arbre, des feuilles mortes, du gazon… synthétique pour le coup… et, pour l’intérieur, de lino… Quel dommage que le public n’ait pas pu en profiter ! Heureusement, pour ceux qui ont eu la chance de voir le spectacle depuis et qui iront prochainement à une de ses représentations, vous avez eu ou vous aurez la chance de découvrir l’univers de la famille M. sur scène !

Le collectif Les Impromptus au-delà du théâtre

Le collectif compte une quinzaine de membres, passionnée de théâtre, mais aussi d’art et d’autres moyens d’expression. Chacun a de multiples compétences (cinéaste, auteur, comédien, artiste…) et souhaite les mettre au service de la compagnie et d’un projet commun.
Afin d’être plus libre dans la conduite de projets et la création, la troupe est en quête, toujours du public, mais aussi d’un lieu, à proximité de Paris, où elle pourrait notamment travailler avec les jeunes et les scolaires, afin de leur donner le goût du théâtre et de l’art.

Ce serait comme une sorte de laboratoire de création artistique, qui serait utilisé comme lieu de répétition et de réserves pour les décors de la compagnie. Dans l’idéal, il disposerait d’un fond vert pour les tournages, d’un studio photo, d’une cabine d’enregistrement pour la musique et d’une salle pour les arts plastiques…

Il ne reste plus qu’à trouver le lieu et les financements, ce qui ne sera guère aisé, mais n’effraie nullement notre collectif !

Les prochaines créations du collectif Les Impromptus

Dans le collectif, plusieurs membres font de la mise en scène et écrivent des textes… les projets se montent ainsi selon les envies de chacun… C’est ainsi qu’est née l’adaptation de Richard III de Shakespeare. La pièce est en cours de création et devra être présentée au prochain festival off d’Avignon, avec La maladie de la famille M.

Quant à Yannis Moussouni, pour sa prochaine pièce, il souhaiterait se concentrer uniquement sur la mise en scène et accentuer davantage l’aspect artistique de la scénographie, avec des peintures, des sculptures… et, en parallèle, exposer les œuvres des artistes. Dans le même ordre d’idée, il voudrait composer intégralement la musique du spectacle avec les musiciens avec qu’il connaît. Il s’agirait probablement d’une pièce contemporaine, plutôt lyrique, afin de créer une dimension visuelle plus forte. Cette fois-ci, ce ne sera pas le texte qui portera Yannis, mais la volonté de rassembler plusieurs artistes et formes d’art…

En attendant de découvrir ces nouveaux projets, vous pouvez voir La maladie de la famille M., à Paris, au théâtre Clavel, le 19, 20, 26 et 27 février 2019, à 19 heures, puis du 8 mars au 20 mai 2019, tous les vendredis et samedis, à 21 heures 30.

Visuel fourni par le collectif Les Impromptus

Infos pratiques

Association notoire
Lavoir moderne parisien
theatre_clavel

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