Théâtre
“Pale Blue Dot”, Etienne Gaudillère enfonce des portes ouvertes au Festival d’Avignon

“Pale Blue Dot”, Etienne Gaudillère enfonce des portes ouvertes au Festival d’Avignon

22 July 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

C’est ce qui s’appelle un spectacle daté. En même temps cette première pièce écrite et mise en scène par Etienne Gaudillère, invité pour la première fois au Festival d’Avignon, a deux ans. Autant dire une éternité en matière de scénographie et de dramaturgie.

Et pourtant ça commençait pas mal et le sujet était bien choisi. Mais plus la pièce avance plus la gêne monte, non pas à cause de la façon dont la direction de Wikileaks a été muselée mais bien par des références à d’autres metteurs en scène qui frisent plus le plagiat que l’hommage. Nous avons la sensation très désagréable d’être chez Julien Gosselin qui lui-même cultive un art de la citation parfois poussée. L’excellent Benoit Charron sera vite parqué en hauteur et saura ne pas se faire oublier dans un show dansé et chanté ultra juste. L’utilisation contestable de la vidéo apparaît comme un gadget qui n’apporte rien au récit. La direction ultra hystérique de ses merveilleux acteurs finit de nous rappeler le metteur en scène des Particules Elementaires.

On adore pourtant au début la sobriété et les déplacements au plateau. Puis le tourbillon façon série Netflix nous épuise. Cela est dommage car il y a vraiment des moments d’éclat dans ce spectacle où la lumière de Romain De Lagarde est impeccable.

L’un des défauts majeurs est de traiter Wikileaks comme une révélation, au même niveau que l’assassinat barbare de Ihsane Jarfi tout près de Liège le 1er mai 2012, sujet de La reprise de Milo Rau. La différence est que personne n’a oublié le nom de  Wikileaks. C’est une affaire connue mais pas dans ses moindres détails. La part documentaire du spectacle, très efficace dans sa première partie est bien vue, mais le procédé s’épuise.

La pièce dure 2h30 quand le matin au Off d’Avignon Philippe Awat, Guillaume Barbot et Victor Gauthier-Martin font le lien entre l’économie et la guerre en une heure seulement et avec un budget ridicule. On se questionne alors sur cette volonté de tout raconter. Gaudillère s’amuse à mettre le temps dans son contexte, on voit défiler des pubs et des tonnes d’images qui disent l’époque. Coupe du Monde en Afrique du Sud ou Avignon 2010, tout y passe pour un effet vraiment clip qui lui non plus n’a rien d’original.

Voilà, tout y passe et nous tombons dans le syndrome du remplissage. Pourtant Marion Aeschlimann, Anne de Boissy, Gilles Chabrier, Benoit Charron, Étienne Gaudillère, Stéphane Naigeon, Claudius Pan, Rémi Rauzier, Loïc Rescanière, Arthur Vandepoel et Nicolas Zlatoff  font le job. Ils campent pour certains beaucoup de personnages et  Nicolas Zlatoff est impeccable en Julian Assange ultra geek de plus en plus chic.

Etienne Gaudillère a réalisé un immense travail d’historien du temps présent mais il n’a pas su le canaliser. La fin de Pale Blue Dot, qui donne son nom à la pièce est ultra moralisatrice. Sans vous la révéler, disons juste qu’il est question de  volonté, de bien, de mal et de notre minuscule place dans l’univers. C’est dommage car il y a du talent ici mais le geste d’auteur comme de metteur en scène n’est pas encore assumé.

En revanche, nous sommes très curieux de découvrir Cannes, Trente-neuf/Quatre-Vingt Dix, sa création 2019 dont le sujet est le festival de Cannes. Le metteur en scène maîtrisant l’art de la boule à facettes, cela s’annonce à suivre de près.

Visuel : Pale blue dot © Christophe Raynaud de Lage

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