Théâtre
Oleanna, dans le tourbillon angoissant de David Mamet

Oleanna, dans le tourbillon angoissant de David Mamet

27 June 2012 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Un bureau, un gars, une fille, lui est un peu plus vieux, il est prof, elle est son élève, la relation tourne doucement au carnage pour poser une seule question : quel est le prix de mon libre arbitre ?

Oleanna se déguste comme un très bon polar. Ça commence tout cool, John, un gentil prof veut quitter son bureau pas trop tard, la rumeur de sa titularisation sent bon, il faut régler les derniers détails avant d’acquérir une maison qui accueillera sa femme et son fils. Mais son rendez-vous avec Carol, étudiante en “responsabilité de la jeunesse “traine. Elle a du mal avec les cours et l’autorité,  il veut filer s’occuper de sa vie privée. L’heure tourne et la situation se tempère autour d’une discussion sur le sens de l’éducation. Dans un geste de bon prince, il propose à l’étudiante de recommencer à zéro à l’occasion d’échanges intellectuels dans son bureau. “Ce n’est pas votre valeur que l’on juge, c’est votre capacité à apprendre”. “Le cours c’est vous et moi”.

Le marché est sans équivoque, l’enseignant volontaire, dans une situation naturellement supérieure, lui, les a déjà eu ses diplômes, et elle, pas encore.  Lui fait comme si sa supériorité était pleine d’un libre arbitre qu’il défend en même temps qu’il est poings et mains liés à la commission de titularisation. Elle, joue les cruches ne comprenant pas le contenu du cours.   On s’attend alors à une dénonciation du tout pouvoir de l’enseignant.  Mais, elle, dans un coup de théâtre total, renverse la situation et transforme cette proposition en affaire d’harcèlement sexuel digne des scénarios les plus glauques des séries américaines.

La pièce fonctionne en face à face et en huis clos, ils sont deux, resteront deux dans une seule pièce. L’élégante mise en scène de Patrick Roldez fait circuler les admirables comédiens, Marie Thomas et David Seigneur, autour d’une grande table noire, chacun déplaçant son statut au fur et à mesure que l’on sombre dans ce Château de Kafka outre Atlantique. Le rythme de la pièce concorde totalement avec cette avancée vers un point de non-retour. La montée en tension est totale pour nous amener sur une fin couperet.

David Mamet publie la pièce en 1992, six ans avant l’affaire Monica Lewinsky vingt ans avant l’affaire DSK, et sonne d’une actualité sans nom. On accède à ce que seuls les protagonistes peuvent voir. Les voix des avocats, des groupes d’étudiants, de la femme de John nous arrivent via le discours des comédiens nous enfermant avec eux dans ce cercle infernal où les mots, sortis de leur contexte, deviennent des boomerangs criminels.

Crédit photo : Eric Walther

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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