
Monika Gintersdorfer transforme la Commune en “El Nueve”, l’iconique club gay mexicain
En ce moment, on peut voyager en Ile-de-France et traverser des océans. Non, nous ne vous proposons pas de prendre la ligne 13 un jour de grève, mais plutôt de faire quelques pas de danse sur la piste d’El Nueve. 1, 2, 3, c’est parti pour une plongée queer dans les années 1980 !
El Nueve est la dix-neuvième “Pièce d’actualité”. Monika Gintersdorfer avait déjà répondu à cette commande de La Commune, CDN d’Aubervilliers en 2018 avec Trop d’inspiration dans le 93, dont le sujet était le coupé-décalé. Avec Franck Edmond Yao, ils forment La Fleur, collectif créé en 1996.
Du coupé-décalé, El Nueve en accueille ! Du sapé comme jamais aussi, version 80’s. “Ce bar musical mexicain a été fondé en 1977 par Henri Donnadieu et Manolo Fernández, ce lieu a enflammé durant près de dix ans les nuits de Mexico. Tour à tour refuge de la communauté LGBT, centre culturel underground, boite de nuit, lieu de prévention et d’information contre les ravages du sida, point de chute des noceurs, scène incandescente de la contre-culture artistique, il a soulevé les enthousiasmes les plus vifs… et suscité quelques descentes de police !”
Tous les espaces ou presque sont teintés cabaret. Dans la petite salle, on entend la voix d’Henri Donnadieu, qui est d’ailleurs venu assister à la première, et on accède aux images des soirées. Des Demoiselles d’Avignon à Marilyn Monroe, les shows transformistes ont tout osé avec une dérision folle. Même le football a été parodié ou encensé. Lieu libre, lieu ouvert, accessible, tout le mode allait au El Nueve, même les hétéros ! Alors, pour nous replonger dedans, La Fleur nous conduit sur la piste de danse. L’image est magique. En 3 minutes, le public tout entier danse à fond sur Bubble Bath de The Swiss. Il est 19H40…
Puis, on a le choix, danser, aller se poser au bar, ramener son verre en salle, regarder les créatures se maquiller, voir une exposition. C’est une déambulation personnelle. Au fur et à mesure que le temps passe, la configuration devient plus classique. Le public, réuni dans la grande salle, s’assoit et regarde. Les numéros de travestis s’enchaînent. C’est drôle que ça n’en peut plus. Franck Edmond Yao joue les Monsieur Loyal qui ouvre le rideau avec chic et magie. Entre scène de sauna sur la chanson Les Rois du monde où prise de parole sensible sur la violence du Sida en 1981, on comprend exactement l’identité de ce lieu aussi interlope que son public. On comprend que l’on peut passer du rire aux larmes en un claquement de faux cil.
Chino, Annick Choco, Carlos Martinez Velazquez, Misha, Ordinateur, Orgy Punk & les invité.es Alaingo, Alexander Cephus, Henri Donnadieu, Franck E.Yao alias Gadoukou la Star, Hauke Heumann, Mason Manning, Dj Meko, Rhama, Brayant Salome Solis Leyva et Gregor Zoch sont celles et ceux qui réactivent et transmettent cette histoire essentielle de la culture queer.
Malheureusement, El Nueve, le vrai n’existe plus. Ces 170 m² ont renversé la nuit pendant seulement treize ans, de 1977 à 1989, à la façon de la Factory, sauf qu’ici, c’était ouvert à tous et toutes, même fauché.es. Monika Gintersdorfer rappelle que la fête peut être radicale et politique tout en étant populaire. Alors, on retourne sur la piste ?
Jusqu’au 26 mars à La Commune CDN d’Aubervilliers (ligne 7 Aubervilliers-Quatre chemins + 13 minutes de marche)
Visuel : ©El Nueve