Le Menteur de Corneille dans une mise en scène enigmatique de Julia Vidit à la Tempête.
Julia Vidit propose à La Tempête une mise en scène innovante du Menteur de Corneille. Elle donne des couleurs éblouissantes mais parfois aveuglantes aux merveilleux alexandrins qu’honorent de magnifiques comédiens.
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L’immense plateau de la tempête est réduit à un étroit couloir entre le quatrième mur et un mur de hauts miroirs. Dorante débarque à Paris. Dans une quéte d’aventures amoureuses, il est à la recherche de sa propre image, d’où les miroirs. Celui qui se veut un héros abuse du mensonge et sa stratégie se retournera contre lui; la belle Clarice lui tend un piège en faisant passer son amie Lucréce pour elle-même. L’ombilic du mensonge s’enfonce dans l’impossible et le magnifique texte de Corneille nous approche de l’énigme du Dorante. Ce menteur se ment d’abord à lui même et il n’échappera à son propre piège que par une ultime mauvaise foi. L’aventure, toutefois finit bien et Dorante épousera Lucrèce.
À l’énigme cornélienne du mensonge répond l’énigme de la mise en scène. Dans une galerie des Glaces, les personnages en jogging et sneakers sautillent et gambadent au milieu d’une musique entre baroque et techno. Des flashs erratiques (peut être pour signaler les mensonges à venir) ponctuent la pièce rythmée et menée sans respirations. Tous les personnages de Vidit portent un corset, figuration de la contrainte sociale. Les motifs scénographiques sont élémentaires et nous sommes en reste d’adhérer à leur difficile efficacité.
Cependant, Barthélémy Meridjen est un sensuel et dynamique Dorante, désinvolte et désobéissant. Il rappelle le génial Dorante de Loïc Corbery sous la direction de Jean Louis Benoit à la Comédie française. L’excellente Lisa Pajon lui donne la réplique. Deux comédiennes d’origine antillaise Aurore Déon et Karine Pédurand jouent Lucrèce et Clarice. Leur interprétation est profonde et éclairée. Ces trois comédiens sont un tel bonheur de spectateur dans leur hommage aiguisé et réfléchi au texte hors du commun de Corneille que l’on oublie vite la difficile et énigmatique scénographie.
Avec Joris Avodo, Aurore Déon, Nathalie Kousnetzoff, Adil Laboudi, Barthélémy Meridjen, Lisa Pajon, Karine Pédurand, Jacques Pieiller.