Théâtre
« Marcel Duchamp » vu par Philippe Découflé au Théâtre du Rond Point

« Marcel Duchamp » vu par Philippe Découflé au Théâtre du Rond Point

19 January 2014 | PAR Celeste Bronzetti

Trois figures sur scène, une table, trois chaises et des objets sur le fond. Pendant que le public s’installe dans la petite salle Jean Tardieu du Théâtre du Rond Point, un doute semble partagé par tous les spectateurs : “A-t-on raté le début ?”. Difficile de dire quand est-ce que la pièce a commencé exactement.

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Les trois acteurs se déplacent sur le plateau, s’asseyent, adressent au public quelques éloquents regards et non seulement des regards : « c’est une lecture » dit la jeune femme assise à gauche de la table, sans détacher son regard fixe du public. Oui, effectivement c’est principalement d’une lecture qu’il s’agit. Les textes lus sont des extraits des lettres que Marcel Duchamp et son ami Henri-Pierre Roché se sont échangées entre 1922 et 1953. Et si on s’attend à des réflexions exclusivement centrées sur l’art ou les œuvres de l’un des artistes français les plus connus du siècle dernier, on a largement le temps de se détromper. Entrainés par le style décalé qui caractérise la signature de Philippe Découflé, les mots de Duchamp et Roché s’étalent sur le plateau : des détails anodins liés à la vie quotidienne de deux amis, des réflexions et des confidences plus intimes, des projets artistiques futurs, des chiffres d’argent investis dans le marché de l’art.

En face de Cristophe Salengro, voix principale de Duchamp, Alice Rolland intervient pour commenter quelques passages ou pour compléter d’un geste ou d’un regard les phrases de la correspondance. Au centre, Philippe Découflé est celui dont on entend rarement la voix mais dont les mouvements ne cessent de créer, du début à la fin du spectacle, la cohérence et l’espace de la scène. Derrière lui, des objets l’aident à donner du sens à l’univers-Duchamp construit par la lecture : La roue de bicyclette, une toile sur laquelle on projette le court-métrage Anemic Cinema, mais surtout La mariée mise à nu par ses célibataires même (ou Le grand Verre), l’œuvre principale de Duchamp, devenue le symbole de son art conceptuel et souvent énigmatique.

En observant la scène, on dirait le décor minimal d’une installation conceptuelle et, pourtant, tout est là, tous les ingrédients de l’art de Duchamp sont repris et interprétés par la représentation. Un écho surréaliste résonne aussi bien dans les mouvements d’Alice Roland, que dans la danse du corps et des mains de Découflé. Le sens de l’absurde, quant à lui, se matérialise dans le décalage entre les mots et les gestes des acteurs, souvent complètement arbitraires. Et puis le ready-made et l’art conceptuel sont bien présents, dans une représentation aux frontières floues, où l’on fatigue à cerner les contours de l’art et des objets insignifiants, exactement comme quand on regarde La roue de bicyclette.

Plusieurs langages se mélangent dans l’œuvre de Duchamp et le style Découflé en interprète parfaitement l’éclectisme. Le chorégraphe français, à l’aide de ses précieux collaborateurs, a su récréer un espace qui parle tout entier de Duchamp et de son œuvre, dans une ambiance surréaliste mais formée à partir de codes, objets, couleurs qui parlent au public.

Du 17 au 31 Janvier à 18h30 (sauf les dimanches et les lundis)

Durée: 1h

Infos pratiques

Odéon Théâtre de l’Europe
Les Gémeaux
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