Théâtre

Les nouvelles brèves de comptoir, pas si drôles

15 March 2010 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Les discussions de café semblent être une source d’inspiration infinie, une matière de travail sans limite pour Jean-Marie Gourio qui continue à courir avec enthousiasme les débits de boissons, de vrais lieux de sociabilité où la parole populaire se libère, et il en restitue des « pépites » dans une nouvelle version théâtrale mise en scène par son complice Jean-Michel Ribes. Depuis 1994, chaque spectacle né à partir des brèves de comptoir se joue plus de 300 fois. Cette année, une troisième version, inédite, est présentée au Théâtre du Rond-point.

 

 

S’agit-il d’une pièce de théâtre ? La réponse est probablement non. Il n’y a pas de situation à jouer, pas même d’intention de jeu : il s’agit seulement d’une succession de « bons mots ». Pendant presque 2 heures de spectacle, huit comédiens représentent une multiplicité de rapports au monde. Le spectacle présenté actuellement revendique son authenticité. Jean-Marie Gourio va dans les cafés, il écoute les « vrais gens » et retranscrit leur parole, en phase avec l’actualité. Tout y passe sans concession : le racisme, la famille, la précarité, Obama, le réchauffement climatique, la mondialisation…

Le metteur en scène Jean-Michel Ribes utilise une débauche de costumes, des chansons pour tenter de varier et de surprendre. Il imagine une succession de tableaux, une galerie de personnages. On croise au bar ou à table une factrice, une étudiante en art, les pompes funèbres, des touristes tyroliens, des ouvriers, des joyeux lurons invités à un mariage… Pourtant, la mécanique de la pièce s’use à force de répétitions, tourne dans le vide et perd en efficacité. Le spectacle reste archi conventionnel, tout comme le décor de Jean-Marc Stéhlé. Les acteurs sont sympathiques et amusants mais pourquoi leur a-t-on demandé de balancer le texte en hurlant ce qui est en plus pénible à écouter. La direction d’acteurs de Jean-Michel Ribes met en valeur leur nature comique : la fantaisie d’Annie Grégorio, la drôlerie de Marcel Philippot, d’Hélène Viaux. Ils ne suffisent pas à nous tenir en haleine devant l’inégalité d’un texte aussi décousu.

En voici quelques unes des meilleures en vrac : « Mon plus grand chagrin d’amour, c’est que personne ne m’aime », « Des émissions culturelles en première partie de soirée à la télé, pourquoi pas ? on se couchera plus tôt ! », « J’aime pas le lundi, ça me gâche le dimanche ». Celles-ci sont mignonnes, il y en a de moins classieuses, d’autres frôlent l’absurde. Les nouvelles brèves ne manquent ni d’humour ni de méchanceté ; elles font preuve à la fois de bon sens et de mauvaise foi. Parfois, c’est carrément populiste. Par exemple, on tape avec facilité sur l’école, les 35 heures, c’est sans fondement et suit l’opinion générale. Ces nouvelles brèves de comptoir célèbrent ce qu’il y a de plus bête et décevant dans l’esprit français et rendent hommage à la pensée étriquée d’un peuple replié sur lui-même. « Le vrai problème de la France, c’est les français », Voici peut-être la brève à l’acuité d’observation la plus troublante et la plus lucide.

Le public hurle de rire. Si le texte fait mouche à coup sûr, on regrette qu’il conforte le spectateur dans ses certitudes, ses idées reçues. Nous, on attend du théâtre qu’il mette à l’épreuve la réalité, qu’il la transcende, nous bouscule et transforme notre être au monde. Ce n’est pas le cas ici.

« Les nouvelles brèves de comptoir », à 21h, au théâtre du rond-point. 2bis avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris. réservation : 01 44 95 98 21

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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