Théâtre
« Le mystère de la chambre bleue », un hommage moderne aux grands maîtres du suspense

« Le mystère de la chambre bleue », un hommage moderne aux grands maîtres du suspense

01 March 2020 | PAR Magali Sautreuil

La compagnie montpelliéraine La Cabane n’est jamais à court d’idées. Depuis sa création en 2017, sa soif d’écrire et de jouer ne s’est jamais démentie. Depuis 2019, nous suivons ses aventures. À l’occasion du prochain festival off d’Avignon, Julien Vaiarelli et Margaux Nocca ont souhaité partager avec nous leurs nouveaux projets.

Nous nous sommes rencontrés en 2019, avant (lire l’article ici) et pendant le festival off d’Avignon. C’était votre première participation et vous aviez fait le pari osé de proposer La danse du soleil, un thriller psychologique (lire notre critique ici). Depuis, que s’est-il passé pour la compagnie ?

En 2019, la faculté de médecine de Montpellier nous a commandé un spectacle. Nous avons donc imaginé une pièce spécialement pour les congrès médicaux. Nous l’avons intitulée Les Carabins, en référence au surnom des étudiants en deuxième année de médecine. Nous l’avons jouée pour la première fois dans l’amphithéâtre de la faculté en 2019.

Nous avons actuellement plusieurs projets d’écriture et de mise en scène, notamment un pour l’Amicale des Pêcheurs de Sète. Pilou Tesoro, son président est venu nous voir jouer Sirop Grenadine sur le chalutier et Les Carabins dans l’amphithéâtre de la faculté. Conquis, il nous a demandé d’écrire une pièce sur les pêcheurs. Celle-ci s’intitule La singulière et devrait bientôt voir le jour.

Nous avons également reçu une autre commande d’écriture pour les 800 ans de la faculté de médecine de Montpellier, qui seront célébrés tout au long de l’année 2020. En cours d’écriture, Le roi de coeur sera joué à l’occasion de cet anniversaire durant l’année. 

Le siège de la compagnie étant basé à Montpellier, nous avons voulu cette année nous intégrer davantage dans la ville, à la fois physiquement et humainement. Nous avons donc contacté les Cours Florent de Montpellier pour monter un partenariat entre l’école, la compagnie et le chalutier-théâtre Louis Nocca. L’idée est de former les élèves pour qu’ils puissent jouer sur le chalutier cet été à Sète.

En effet, chaque été, au mois d’août, nous avons l’habitude de jouer à Sète, sur le chalutier où tout a commencé. Depuis l’année dernière, le bateau est devenu un lieu de spectacle à part entière. Cette année, nous y organisons un gros événement, du 10 au 16 août 2020, en proposant au public trois pièces par jour : à 14 h 30, Sirop Grenadine, à 18 h 30, Palace Atlantique et, à 21 h 30, Le mystère de la chambre bleue. (Si vous voulez les soutenir, une collecte de fonds est organisée sur le site proarti)

Qu’est-ce que Le mystère de la chambre bleue ?

Le mystère de la chambre bleue est une comédie policière qui reprend les codes d’un policier classique. En l’écrivant, j’ai voulu rendre hommage à la littérature anglaise et française des « Whodunnit ? » (« Mais qui l’a fait ? » en français), telle que Le mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, Les dix petits nègres d’Agatha Christie… Je me suis également inspiré de certains films comme À couteaux tirés de Rian Johnson, Cluedo de Jonathan Lynn…

L’histoire se déroule en huis-clos, dans le salon d’un hôtel. Quatre personnes y sont rassemblées. Toutes ont un lien avec Sacha, l’homme qui a été assassiné il y a un an et dont le meurtre n’a pas été élucidé. Toutes vont être interrogées le détective Lucien Poe et son adjoint Jean-Marie Agathe. Toutes ont un mobile pour l’avoir tué, que ce soit le psychiatre Gustave de Lavillardie, la petite-amie et gérante de l’hôtel Cassandre Barbier, l’actrice Zoé Vélasquez avec qui il aurait dû tourner un film et son petit frère, Charles Lodges. Toutes sont convaincues que le meurtrier est parmi eux.

Contre une belle somme d’argent, le détective, qui est un peu veule, accepte l’enquête. Mais son temps est compté, puisqu’il n’a qu’une heure et demie pour la résoudre s’il ne veut pas rater son train.

La pièce dure d’ailleurs environ 1 h 25 pour que l’action se déroule en temps réel.  

Comment vous est venue l’idée du scénario ?

L’été dernier, on m’a raconté l’histoire d’une mystérieuse chambre bleue, à laquelle on ne pouvait accéder qu’en passant par une autre chambre. J’ai alors commencé à imaginer qu’un crime aurait pu avoir eu lieu dans cette chambre, un crime impossible, où la personne, qui se trouvait dans la pièce d’à-côté, n’aurait rien vu. Cette dernière aurait forcément menti puisque le seul moyen d’accéder à la chambre bleue était de passer par la sienne. C’est de là qu’est venue mon envie d’écrire une comédie policière.

J’ai écrit la pièce en deux temps. J’ai commencé par exposer la situation. Je savais qui était le meurtrier et pourquoi il avait imaginé une telle machination. Par contre, j’ignorais encore comment résoudre l’affaire. J’ai rédigé tous les interrogatoires. Puis, je me suis arrêté. Quelques temps plus tard, j’ai relu ce que j’avais écrit, en essayant de résoudre par moi-même le meurtre. Des éléments m’ont alors sauté aux yeux, ce qui m’a permis d’utiliser le principe dramaturgique du fusil de Tchekov et de bien mûrir le texte pour que chaque mot ait un sens.

Vous ne laissez rien au hasard. Chaque détail compte, n’est-ce pas ?

En effet, je fais attention à ce que les choses ne sortent pas de nulle part, mais qu’elles aient toutes un sens.

Par exemple, chaque protagoniste a sa place attitrée. Cassandre, la petite-amie de Sacha, est très souvent derrière le comptoir de la réception de l’hôtel. L’actrice est assise dans le fauteuil, tandis que le psychiatre reste debout. Chaque déplacement est pensé et justifié, afin de conserver la lisibilité du texte et de comprendre ce qui s’est passé le jour du meurtre de Sacha.

De même, chaque comédien a un accessoire qui symbolise son identité. Par exemple, le psychiatre a une canne dans laquelle est dissimulée une épée, l’actrice un porte-cigarette, le frère un briquet…

Même s’ils sont facilement identifiables, les différents protagonistes ne sont pas des stéréotypes. Ils ont une réelle profondeur. Ce sont de vrais personnages, qui ont plein de choses à raconter en plus de l’histoire principale. C’est à travers eux que Sacha se dévoile. Ce sont les témoignages de toutes ces personnes qui l’ont côtoyé et qui l’ont aimé qui nous permettent d’en apprendre davantage sur la victime. C’est également grâce à cela que le public peut éprouver de l’empathie et s’identifier aux personnages.

Est-ce important pour vous que le public soit totalement plongé dans votre univers ?

Oui, nous voulons que les spectateurs participent à l’enquête. L’action se passant en temps réel, ils auront le temps de s’interroger et de rentrer dans l’histoire. Ils suivent pas à pas les avancées du détective et de son adjoint. Ils ont une longueur d’avance sur les suspects puisqu’ils profitent des réflexions des enquêteurs lorsque ceux-ci se mettent à l’écart pour discuter. Ces moments, où Lucien et Jean-Marie s’isolent pour faire le point, permettent également au public de se reconcentrer sur l’intrigue et de mieux comprendre les indices qu’il a à disposition.

Pour renforcer son immersion, nous avons imaginé un décor, inspiré à la fois de notre temps et des années 1950-1970 pour donner à la pièce un côté intemporel. Dans le salon de l’hôtel, il y a un bar, un portant, une petite table, un beau fauteuil en cuir… Ainsi présenté, le cadre peut paraître banal. Or, le moindre détail compte. En effet, tous les éléments présents sur le plateau permettent de résoudre l’enquête. Le plus dur pour le spectateur est de discerner le vrai du faux dans ce jeu de dupe.

Afin de capter l’attention du spectateur d’un bout à l’autre de la pièce, quels astuces avez-vous trouvé pour la mise en scène ?

Comme pour nos autres productions, nous avons voulu introduire un peu de cinéma dans le spectacle. Les dialogues sont finement ciselés et dynamiques pour donner l’impression qu’il s’agit d’un montage rapide. Tous les acteurs se trouvent sur le plateau. Ils vont chacun répondre aux questions, mais pas dans l’ordre que le spectateur attend et comme s’ils étaient seuls sur scène.

Nous avons également travaillé sur la musique pour donner du rythme à la pièce, pour casser le côté statique des interrogatoires. La musique donne parfois lieu à des scènes totalement absurdes, des intermèdes musicaux divertissants, qui marquent une pause dans l’intrigue et permettent de mieux capter l’attention du public par la suite.

Du coup, pour l’édition 2020 du festival off d’Avignon, que prévoyez-vous ? Allez-vous présenter cette nouvelle pièce ou repartir avec La danse du soleil ?

Pour le festival off d’Avignon, elle sera calibrée à 1 h 10.

Au départ, nous pensions jouer Le mystère de la chambre bleue cet été à Sète, sur le chalutier et La danse du soleil à Avignon. Puis, nous avons démarré les répétitions et avons constaté que le groupe fonctionnait extrêmement bien. Après mûre réflexion, nous avons considéré que cette pièce pourrait davantage fonctionner à Avignon. Elle est drôle, joyeuse, vivante… et touchera ainsi sûrement un public plus large que La danse du soleil.

Ceux qui sont venus nous voir l’année dernière ont adoré La danse du soleil. Par contre, c’était plus compliqué d’attirer le public avec un thriller psychologique. Les festivaliers que nous avons croisés l’année dernière avaient envie de rire. C’est pourquoi le choix de la comédie policière nous semble plus judicieux.

Nous jouerons de nouveau à La Petite Caserne, à 11h. C’est un lieu que nous apprécions et que nous connaissons bien. En plus, l’équipe est adorable. Christophe Saint, le régisseur, nous a accordé beaucoup de temps. C’était notre premier Avignon et nous avions besoin de conseils. Il est même venu à Sète pour nous voir jouer sur le chalutier au mois d’août. C’est une très belle rencontre. De plus, économiquement, le théâtre reste abordable par rapport aux autres. Il est également plutôt bien passé et la jauge de 49 places nous convient parfaitement.

Le mystère de la chambre bleue, une pièce écrite et mise en scène par Julien Vaiarelli, interprétée par Valentin Couty (Sergent Jean-Marie Agathe), Édouard Édilber (Dr Gustave de Lavillardie), Julien Gallix (Charles Lodges, le petit frère), Keti Hizmaj (Melle Zoé Vélasquez, l’actrice), Margaux Nocca (Melle Cassandre Barbier, la gérante de l’hôtel) et Julien Vairelli (Détective Lucien Poe), présentée dans le cadre du festival off d’Avignon, du 3 au 26 juillet 2020, à 11h, au théâtre de la Petite Caserne, puis su 10 au 16 août 2020, à 21 h 30, sur le chalutier-théâtre Louis Nocca, à Sète. Durée : 1 h 25.

Retrouvez l’actualité de la compagnie La Cabane sur son site Internet (ici),  sa page Facebook (ici) et son compte Instagram (ici).

Photos : © Gérard Cezera.

La Foire de Chatou fête sa 100e édition cette année
Un stimulant Eugène Onéguine à Oslo
Avatar photo
Magali Sautreuil
Formée à l'École du Louvre, j'éprouve un amour sans bornes pour le patrimoine culturel. Curieuse de nature et véritable "touche-à-tout", je suis une passionnée qui aimerait embrasser toutes les sphères de la connaissance et toutes les facettes de la Culture. Malgré mon hyperactivité, je n'aurais jamais assez d'une vie pour tout connaître, mais je souhaite néanmoins partager mes découvertes avec vous !

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration