Le destin sombre et édifiant de Ödön Von Horvath à la Comédie Nation
Elie Rofé monte à la Comédie Nation le biopic écrit par Matéo Troianovski de Ödön Von Horvath, dramaturge allemand né en 1901. La pièce à la façon d’une biographie de Stéfan Zweig traverse un bout de siècle.
La vie ardente de Ödön Von Horvath
La pièce Horvath, apatride rend hommage à un homme et à son destin. Elle rappelle le destin d’un homme à l’optimisme difficile qui cherchera à s’extraire du poison des nationalistes. Elle raconte un homme de lettres, personnage singulier et sombre, rongé par l’avènement du nazisme.
Ödön Von Horvath naît en 1901. Fils de diplomate, il voyage très jeune dans toute l’Europe. Ses opinions altermondialistes, acquises au cours de ces voyages, sont inaudibles pour cette époque obsédée par les nations et les peuples. Très tôt ses œuvres crient au danger fasciste. En 1929, anecdote authentique, sa route croise celle d’Hitler. Il fera le coup de poing avec un groupe de supporters du futur Führer. Un procès tumultueux s’en suivra, où le jeune Horvath s’attirera définitivement la haine des nationalistes.
Le théâtre engagé de Ödön Von Horvath
Si en 1932 il obtient Le Prix Kleist, plus haute distinction littéraire d’Allemagne pour sa pièce Légendes de la forêt viennoise, une description fine de l’univers des petites gens modestes assommés par la morale religieuse et la loi patriarcale, le terrible autodafé de 1933 ne ménagera pas ses ouvrages. En 1936 il est contraint de fuir ; il voyage alors dans toute l’Europe et continue de publier des pièces dénonçant sans détour le danger nazi. En 1938, il arrive à Paris où le réalisateur Robert Siodmak lui propose une adaptation d’un de ses romans au cinéma. Mais, le 26 mai 1938 sur les Champs-Elysées, devant le Théâtre Marigny, une branche d’arbre se décroche au-dessus de sa tête et l’emporte dans une mort conforme à ses œuvres : étrangement cynique. De passage à Amsterdam, Ödön Von Horvath avait rencontré une gitane qui lui avait prédit qu’un séjour à Paris sera pour lui décisif!
Une pièce shakespearienne
Les œuvres de Ödön Von Horvath sont imprégnées d’une volonté de mettre à nu. Sa dramaturgie du dévoilement veut témoigner du ravage des mensonges et des indignités. Son style féroce n’hésite pas à dénoncer la lâcheté et la manipulation des masses. Auteur engagé, il dépeint le monde tel qu’il le voyait, sans l’embellir ni l’enlaidir. Il veut rendre compte d’un monde en train de disparaître. On pense au Monde d’hier de Stéfan Zweig.
La pièce imaginée par Matéo Troianovski restitue au plus près la tragédie, la solitude de l’artiste et son combat perdu, mais volontariste. Tout y est shakespearien. La gitane renvoie aux trois sorcières de Macbeth. Les introspections d’Horvath rappellent celles de Hamlet, la déréliction du personnage, celle de Shylock. Quant à l’ambiance sombre, nous voilà dans la Tempête. Nous sommes chez Shakespeare, l’humour en plus.
L’interprétation épouse l’excellence du texte. Matéo Troianovski grand tragédien saisit le public. Fanny Le Pironnec bouleverse. Juliette Derkx comédienne caméléon impressionne. Les applaudissements sont soutenus.
Teaser, Horváth Apatride from Le sens des Légendes on Vimeo.
Horváth, apatride
Comédie Nation, 77 rue de Montreuil, 75011 Paris
Auteur : Matéo Troianovski
Artistes : Fanny Le Pironnec, Juliette Derkx, Matéo Troianovski
Metteur en scène : Elie Rofé
Visuel Affiche