Le Chagrin des ogres de Fabrice Murgia revient à l’Odéon
Fabrice Murgia est un très jeune comédien et metteur en scène belge, sorti du Conservatoire royal de Liège, ville où il a créé ce spectacle en 2009. « Le Chagrin des ogres » est sa première pièce. Au moyen d’un langage scénique très contemporain fait de sons et de vidéos utilisés avec maîtrise et au service du propos, il nous fait pénétrer dans un onirisme sourd et cauchemardesque pour dépeindre le mal-être adolescent à travers des personnages jeunes et fragiles (inspirés de deux faits divers, celui de Bastian Bosse, un lycéen allemand qui a ouvert le feu dans son lycée avant de se suicider et, plus en arrière-plan, celui de la séquestration de Natascha Kampusch). On les voit bousculés car inadaptés à ce monde indifférent et chaotique. Ainsi, Fabrice Murgia dit vouloir « enterrer » son enfance.
Amélie Blaustein-Niddam avait vu ce spectacle à la Manufacture d’Avignon en juillet 2010, voici ce qu’elle en disait. Pour sa reprise aux Ateliers Berthier cette rentrée, « Le Chagrin des ogres » confirme toutes ses qualités.
Dire que Fabrice Murgia est jeune, ça fait vieux con, alors, disons qu’autant de talent à 26 ans n’est pas si fréquent. Pour sa première pièce « le chagrin des ogres », il réussit un coup de maître. A titre parfait, texte royal, mise en scène époustouflante. Une heure d’une violence rare sur la jeunesse perdue, sur l’instant du basculement. C’est une révélation absolue.
Accueilli par un son et une voix étrange, le public découvre une petite fille déguisée en mariée. Oubliez les images de dessins animés, Dolores a tout l’air d’une revenante, prête à nous raconter des petites histoires de morts sur sa balançoire. En fond de scène, deux cages en verre apparaissent. La première renferme Laetitia. Enfermée dans son lit d’hôpital, elle rêve qu’elle est Natasha Kampusch, prête à échapper à son ravisseur. De l’autre coté, Bastian, 17 ans, 2 ans de plus que ses cousins, n’en peut plus, de ses parents, de l’école, de la vie, au point de réaliser dans sa bulle virtuelle une fusillade bien réelle dans son école. La petite fille entachée de sang est là pour ramener les ados à l’enfance, mais il est bien trop tard, elle est déjà morte.
La scénographie extrêmement contemporaine mixe projections vidéos, vidéos live, bande-son démente et lumière bleue. Dans cet univers onirique trash, Fabrice Murgia vient appuyer sur la douleur adolescente qui pousse à des actes dramatiques et à première vue incompréhensibles. Les comédiens sont parfaits en ados très en crise. Si l’idée de filmer live est la chasse gardée de Warlikowski et Cassier, Murgia reprend très intelligemment le procédé pour donner à son spectacle un accent film d’horreur flippant et drôle à la fois. Le tout sert à parler à l’âme d’enfant de chaque spectateur, appuyer sur le souvenir du passage à l’adolescence.
Il s’agit d’une pièce coup poing, une totale révélation. Avec ce texte et cette mise en scène Fabrice Murgia entre dans la cour des très grands.
Amélie Blaustein-Niddam
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