Théâtre
Le Cabaret Discrépant au théâtre de la Colline

Le Cabaret Discrépant au théâtre de la Colline

12 February 2013 | PAR Justine Braive

Voilà un cabaret qui porte bien son nom ! Du latin « discrepentia » signifiant discordance, ce show nous plonge dès les premières minutes dans une totale « discrépance », alors que la représentation commence directement dans le hall.

On était prévenu qu’on assisterait à quelque chose de décousu puisque Olivia Grandville, la chorégraphe, a créé”le Cabaret discrépant” en s’inspirant du poète roumain Isodore Isou et de sa théorie du lettrisme. Vous ne connaissez pas le lettrisme? Ce mouvement, arrivé en France en 1945, remet en cause les schémas préétablis dans le domaine des arts, que ce soit la danse, la poésie ou la musique. Il est considéré comme se situant « à l’avant-garde de l’avant-garde », allant plus loin que les surréalistes et les dadaïstes, s’attachant simplement à la musique des lettres.

C’est effectivement ce à quoi on assiste pendant toute la durée de la représentation. Invités à suivre un des comédiens dans les étages jusqu’à l’entrée du petit théâtre, on imagine naturellement être conduit dans la salle. Mais ce sont halls et couloirs qui feront office de scène pour les 45 premières minutes. Les  comédiens prennent place dans chaque recoin. Ils sont tous vêtus de t-shirts avec un imprimé qui nous est bien utile pour saisir un peu mieux leurs performances.  « Didascalie », « Histoire », « Le Manifeste » et « Théorie » se livrent en chœur à d’improbables gesticulations. Chacun des conférenciers-danseurs a un rôle bien précis, la comédienne « Didascalie » mime plusieurs mots, scotchés sur un mur, représentant des actions. Elle titube, mime l’alphabet sourd muet, feint le ciel avec ses mains, se défend contre un coup imaginaire, joue au chien à l’arrière d’une voiture. Tout cela, pendant que le comédien armé d’une pancarte « strip-tease à rebours » en profite pour se rhabiller pendant que l’un d’eux  « hurle » un poème lettrique (Rassurez-vous, vous pourrez le retrouver dans le petit fascicule qui vous est donné à l’entrée). Si vous ne suivez pas, pas de panique : sachez qu’il est normal de ne pas saisir le message du poème. Attachez-vous plutôt à la mélodie, à la musique des lettres et renoncez à l’usage des mots et le lettrisme n’aura plus de mystère pour vous.

Ce préambule est certainement le meilleur moyen de nous sensibiliser à ce mouvement particulier, né sur les ruines du surréalisme et du dadaïsme. Cela nous permet d’apprécier, un peu mieux armés, la seconde partie de la représentation qui se déroule dans la salle. Le spectacle se poursuit de manière plus traditionnelle. Et encore! Nous assistons à une mise à mort du ballet classique par une danse complètement décomplexée. Utiliser son corps dans sa totalité pour exécuter un ballet n’a plus de sens. Les comédiens, tour à tour, proposent d’autres formes d’expression corporelle. Lèvre, yeux, doigts, salive, cheveux, bouche se mettent alors à danser… Ces joyaux de « danse ciselante » sont tirés du manifeste d’Isou et sont assortis d’une explication lue par les comédiens avec beaucoup d’humour.  La première partie, un peu élitiste, trouve alors une application pratique bien plus accessible avec ces différents ballets et ne manque pas de nous faire rire.

Loin d’être un spectacle prétentieux, « le cabaret discrépant » nous permet de comprendre la critique de l’art chorégraphique émise par Isodore Isou.

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Justine Braive

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