La Résistible et clownesque ascension d’Arturo Ui

Arturo Ui continue son ascension. Après le Festival d’Avignon, c’est au théâtre de Ménilmontant que Victor Quezada-Perez (compagnie Umbral) met en clown le texte de Bertolt Brecht.

En 1941, Bertolt Brecht écrit une parabole sur la montée du nazisme ici transposée dans le monde des gangsters américains. Comment Hitler a-t-il pu arriver au pouvoir ? Quels sont les rouages, les manigances, les petits gestes qui permettent à la bête immonde de sortir d’un ventre fécond ? Ici, il y a les bons et méchants, du moins au début. Cela se fait dans un jeu de damier noir et blanc. Les clowns (tous très bons) sont eux aussi divisés en “team” diraient les ados. Deux bandes de truands dirigent Chicago. Les “noirs” du côté d’Hindsborough et les “blancs” d’Arturo Ui. Au centre de l’histoire, une crise économique qui grimpe et un trust des choux-fleurs qui devient la convoitise de tous.

La scénographie est ici impeccable. Les décors dessinés sont projetés en vidéo. Ils nous plongent dans une ville sombre et pluvieuse. Aucun espoir n’est possible, et la seule touche de couleur est bien le nez rouge que tous les protagonistes portent. Ils sont bien des clowns, mais aussi des dindons de la farce, pris au piège de la montée inexorable de la dictature. On joue sérieusement ici, sans doute trop. La langue de Brecht, si elle est épurée, reste lyrique, mais il est impossible de ne pas se perdre dans le labyrinthe du poète allemand. Pourtant, le talent est là, Elie Salleron est un Arturo Ui puissant, tout comme Victor Quezada Perez est un Gori abjecte. Ici les femmes à plumes sont des marchandises et la politique se fait et se défait sous fond de jazz berlinois.

Victor Quezada-Perez installe ici, grâce à sa mise en clown, une distanciation par la farce qui n’aurait pas déplu à Brecht. Ici, le théâtre se fait politique, il s’agit de montrer, de réveiller et de sensibiliser sur l’actuel. Cela la compagnie Umbral le fait depuis longtemps, particulièrement en montant les pièces de Matei Visniec.

Visuel : © Cie Umbral