Théâtre
La Porchet est de retour ou Si tu ne vas pas à Broadway, Gland viendra-t-à toi !

La Porchet est de retour ou Si tu ne vas pas à Broadway, Gland viendra-t-à toi !

07 July 2019 | PAR Paul Fourier

Marie-Thérèse Porchet (née Bertholet) alias Joseph Gorgoni qui fut une des coqueluches parisiennes il y a vingt ans (précisément entre février 1998 et juin 1999 à la Comédie Caumartin), revient au Théâtre de la Gaîté Montparnasse tout cet été.

Nous étions veuves et veufs de la dame en tailleur rose repartie retrouver Trudie la vache dans sa Suisse natale. Elle / Il fut pendant 18 mois un véritable phénomène du théâtre parisien avec son univers, son voisinage, son rosaire et son bestiaire. En cette fin des années 90 ravagées par le SIDA, tout le gay Paris (mais pas que …) accueillit avidement ce spectacle rafraîchissant qui mettait à l’honneur, avec férocité, cette représentante du monde insubmersible de l’intolérance dont même les horreurs de l’épidémie n’étaient pas venus à bout. En 2019, ainsi que les actualités récentes le montrent, et que la bête ne demande qu’à se réveiller à la moindre occasion, le spectacle n’a rien perdu de son mordant.

Raciste, homophobe, sans aucune pitié pour les « quadrisomiques » dans la tête de qui il fait toujours beau, la Porchet est un concentré de harpies catéchistes, une Christine Boutin que les Helvètes nous auraient envoyée pour prouver que l’intolérance et la connerie ne s’arrêtent pas à la chaîne des Alpes. 1999, 2019, mêmes combats …

Le spectacle est en fait une reprise du premier opus « La truie est en moi » dans lequel Marie-Thérèse tentait d’enquêter sur les amours impies de son fils Christian-Christophe puis de les contrarier.
Sorte de dame patronnesse, elle occupe une grande part de son temps à de pieuses activités musicales ou pâtissières et à des réunions Tupperware (manifestation tellement iconique de ces années-là !), tout en combinant cela avec un art consommé de la vulgarité, du débinage et du caporalisme. N’hésitant pas à employer, si nécessaire, tous les moyens, de l’insulte à la flagornerie, voire au chantage, elle a des ressources infinies sinon adaptées. Elle doit cependant confesser avec horreur au Très-Haut (qui en prend aussi pour son grade) que « la truie » est en elle (et dans pas mal de monde d’ailleurs). Elle s’évertue pourtant à mettre de l’ordre dans un monde en butte aux tentations diaboliques qui se cachent tantôt au sein de l’institution militaire, tantôt sous la robe des rois mages de la crèche, ou plus prosaïquement dans les habits du pianiste qui flotte du bas de la jaquette.

 

 

Pétomane convulsive, esclave de son chien Bijou, elle a heureusement une vie sociale et domestique bien remplie, raconte tout à sa complice Jacqueline même lorsqu’il faut employer les moyens les plus sophistiqués à son balcon pour échapper à la Lopez, sorte d’ennemie de l’intérieur à la solde des mondialistes. Ces deux Mata-Hari vont d’ailleurs devoir monter une mission commando à la banquise, haut lieu sodomite. Cette mission sera contrariée par une dérive alcoolique inattendue.
Car pourquoi le Seigneur a-t-il décidé de s’acharner sur cette Diva pré « manif pour tous » en envoyant son fils Christian-Christophe dans le monde obscur des amours contre-nature et des tapettes qui se retrouvent dans ce lieu de perdition ?

Il y a incontestablement du de Funès chez cette Marie-Thérèse qui synthétise en sa seule personne les pires défauts de l’espèce humaine contemporaine, mais pour qui on arrive finalement à ressentir de la tendresse.
Car avouons-le, ce spectacle de théâtre populaire et déjanté narrant les aventures de notre héroïne picaresque, sorte de Don Quichotte en jupons en mission dans le monde hostile, est hilarant. La dame (et le monsieur) qui se cache dessous ont un sens du rythme insensé, chantent et dansent avec talent. C’est désormais clair, si tu ne vas pas à Broadway, Gland* peut venir à toi !
Qu’est-ce qui triomphera de l’amour filial ou de l’intolérance ? Vous le saurez en ne ratant pas les péripéties de la Porchet car on ne sait quand reviendra cette traîtresse qui préfère désormais aller courtiser les bourbines ** plutôt que ses cousins francophones ?

Dans ces périodes de sinistrose, est-il possible de passer à côté d’un tel talent comique ? Ceux qui, comme moi, avaient fait le déplacement en 1998-1999 (et pas qu’une fois) se replongeront avec délectation dans cette fondue réchauffée ; les autres, s’ils n’ont pas les oreilles trop chastes ni les idées trop réactionnaires, ne rateront ce moment sous aucun prétexte.

* Ville suisse du canton de Vaud, chère à Marie-Thérèse Porchet
** surnom des suisses allemands

© Paul Fourier

Du mercredi au samedi à 21h et le dimanche à 16h au théâtre de la Gaîté-Montparnasse

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Paul Fourier

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