Théâtre
La parole de Michel Foucault réhabilitée dans “Désordre du discours”

La parole de Michel Foucault réhabilitée dans “Désordre du discours”

10 December 2019 | PAR Anne Verdaguer

Entendre le texte de la leçon inaugurale que Michel Foucault a prononcé au Collège de France en 1970 est un événement en soi. Car aucun enregistrement ne subsiste de cette réflexion philosophique sur l’art du discours et ses implications multiples. En recréant, dans les conditions réelles, en amphithéâtre, la démonstration du grand penseur, Fanny de Chaillé réhabilite une parole indispensable à la compréhension de notre société moderne.

C’est une démonstration dans laquelle le comédien commence par s’excuser. Surgissant des rangs, il dit qu’il préférerait ne pas prendre la parole. Dans son costume austère, à col roulé, il voudrait que cette parole le précède, l’enveloppe, et que le verbe ait existé avant même qu’il ne commence à parler. Mais voilà bien tout le problème. Tout discours porte en lui une intention dangereuse, mais aussi subversive. Voilà toute la thèse de Michel Foucaut qui est que toute société cherche à contrôler la production du discours. Dès lors, il va tenter de démontrer le pouvoir que peuvent avoir ceux qui portent cette parole (scientifiques, enseignants, politiques…), et qui contrôlent par la même le système de pensée.  

Assis sur son bureau, interpellant le public ou faisant de grands geste avec ses mains, le comédien Guillaume Bailliart ne ménage pas ses effets pour faire revivre, sans pour autant mimer, ce moment important de la vie philosophique. En se mettant en scène et sans avoir la prétention d’incarner Michel Foucault, le comédien-professeur parvient à nous plonger dans sa pensée, en tant que spectateur-auditeur, et à nous interroger sur la nature même du langage et de ses manifestations. 

En réhabilitant l”ordre du discours”, cette formidable réflexion sur ces soit-disant vérités que nous entendons et qui nous sont assénés à longueur de journée, Fanny de Chaillé nous permet de nous interroger sur ce qui, intuitivement, nous parait formaté mais que probablement nous ne nous sommes jamais formulé en tant que tel. C’est sans doute la raison pour laquelle elle a opté pour cette forme en “désordre” qui ne reprend pas la leçon inaugurale de Michel Foucault puisque aucune captation n’en subsiste (il en reste la trace écrite dans sa publication dans la collection blanche de Gallimard). Ne subsiste alors que les mots, restitués grâce au théâtre, formidable boîte de résonance de cette langue qui prend corps dans un univers bien réel, celui de la faculté, et qui tentent de déconstruire le discours de la vérité, que le philosophe ne cesse d’interroger, et qui lui échappe sans cesse.

crédit photo © Marc Dommage

“Désordre du discours” d’après «L’Ordre du discours» de Michel Foucault, mise en scène de Fanny de Chaillé, avec Guillaume Bailliart,  à l’École des Arts de la Sorbonne – Centre Saint Charles, les 16 et 17 Janvier 2020

 

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