Théâtre
Jacques Weber, icône du théâtre français s’installe à l’Atelier

Jacques Weber, icône du théâtre français s’installe à l’Atelier

27 September 2020 | PAR David Rofé-Sarfati

Avec trois pièces de Anton Tchekhov, Jacques Weber nous parle de la vieillesse et du couple.  En trois chapitres nous traversons la farce de nos empêchements et renouons par l’adresse de Jacques Weber avec la souche du Tchekhov d’origine: ces textes humoristiques. 

Admirateur et fin-connaisseur de l’œuvre de Anton Tchekhov (il lui a consacra un essai en 2002 intitulé Mon Tchekhov) Peter Stein, éminente figure de la mise en scène européenne, s’empare de trois courtes pièces de l’auteur russe. Si Les Méfaits du tabac et Une demande en mariage font  partie du répertoire régulièrement joué partout dans le monde, Le Chant du Cygne reste une pièce singulière dont Tchekhov disait :  J’ai écrit une pièce en quatre petits quarts. Elle se jouera en 15-20 minutes. Le plus petit drame au monde… en général, c’est beaucoup mieux d’écrire des petites choses que des grandes : peu de prétention et succès assuré. Que demander de plus ? Ce drame, j’ai mis une heure et cinq minutes à l’écrire. 

Peter Stein avait offert à  Jacques Weber une occasion inoubliable de déployer son talent à nous saisir et à nous émouvoir. En 2016, il créait Krapp dans La Dernière Bande de Beckett  au Théâtre de l’œuvre, l’histoire d’un homme cacochyme qui se penche sur son passé. Et voila que nous retrouvons Jacques Weber quatre ans plus tard, grimé en vieux comédien. Il entre chancelant par un petite porte au fond d’une scène vide au soir de sa vie. Au milieu de la nuit, un peu ivre, il observe la salle vidée de ses spectateur depuis longtemps déjà. La servante (lampe posée sur  scène et qui reste allumée quand le théâtre est plongé dans le noir, entre deux représentations ou répétitions) s’est éteinte ; armé d’une bougie, le vieil acteur dans un dernier geste d’amour pour son art réinvente sa carrière marquée par l’échec. Jacques Weber est poignant. Il offre à son personnage sa stature, sa voix et ce temps partagé qui a passé pour chacun de nous. Il apporte aussi à la situation l’autodérision et son effet comique. Ce Chant du Cygne bouleverse. 

Je crois aussi aux vaudevilles en tant qu’auteur : qui a vingt-cinq hectares de terres ou dix vaudevilles potables est, d’après moi, un homme à l’abri du besoin – sa veuve ne mourra pas de faim. Anton Tchekhov

Tchekhov écrit ses vaudevilles durant la période la plus heureuse de sa vie. En février 1886, il publie Des Méfaits du tabac dans La Gazette de Saint-Pétersbourg. Il  y parodie les conférences ;  l’effet comique vient du fait que le conférencier soumis à sa femme est contraint par celle-ci de faire un exposé sur un sujet dont il ne connaît rien ;  il devra célébrer le pensionnat qu’elle dirige et n’y parviendra pas. Jacques Weber s’amuse et nous s’amuse de cet humour de situation. 

Dans Une demande en mariage, un homme, plus tout à fait jeune se présente endimanché chez celle dont il souhaite demander la main sans que celle-ci ne le présage ; avant même de faire sa demande, il se fâche avec sa fiancée et son beau-père dans une succession de cris qui le conduiront jusqu’à l’évanouissement. Le mariage qui aura lieu sera orageux ; il s’inaugure en scène de ménage  avant même de commencer. La farce est jubilatoire. Jacques Weber est parfait en futur beau père condescendant et sanguin. L’effet comique et le plaisir du spectateur se soutiennent de la prestation de  Manon Combes ; la comédienne qui  fut formée en particulier par Yann-Joël Collin fait son show. Elle marque l’histoire du rôle en inventant une Natalia aliénée par ses nerfs et au clownesque inoubliable. 

La légende de Anton Tchekhov raconte qu’il s’est éteint en prononçant les derniers mots de la pièce Une demande en mariage : Du champagne! Du champagne! Peter Stein, par malice a ajouté la dernière didascalie dans la bouche de Jacques Weber : Rideau. Le metteur en scène de 82 ans dans un clin d’oeil à Tchekhov rappelle la force de l’auteur russe en ce qu’il sait faire émerger une souriante humanité commune. Les applaudissements mérités éclatent après ce Rideau là.

 

CRISE DE NERFS, 3 farces d’Anton P. Tchekhov, Le Chant du cygne, Les Méfaits du tabac, Une Demande en mariage, Mise en scène : Peter Stein.

Crédit Photo : Maria Letizia Piantoni

“Diane Self portrait” aux Plateaux sauvages : sur les traces de Diane Arbus
L’exposition « 37 rayures du zèbre » retrace l’histoire des Francophonies grâce aux moments marquants des 37 éditions !
David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration