Théâtre
Ivo Van Hove dans la boîte blanche et sans espoir de Cocteau

Ivo Van Hove dans la boîte blanche et sans espoir de Cocteau

05 November 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le maître néerlandais met en scène l’un des chefs d’œuvre de Cocteau, La voix humaine. Depuis presque un siècle, l’histoire est la même : les filles pleurent au bout du fil, même sans fil.

Au théâtre de la ville est présenté un diptyque jusqu’au 16 novembre composé de La voix Humaine (créé en 2009) puis de The Other Voice de Ramsey Nasr (2016). C’est donc le premier volet qui s’ouvrait ce soir sur un décor aride, autant que peut l’être une rupture non désirée. Un espace blanc, avec rien, absolument rien pour nous rassurer. Pas un canapé, pas une plante. C’est peut être un salon qui est baigné de lumière par une immense baie vitrée coulissante.
Halina Reijn est seule, tellement seule en bas de jogging informe et sweat-shirt Mickey et Minnie vus de dos, amoureux encore. Elle écoute des slows qui tuent et des chansons girl power. Mais rien, rien n’y fait. Elle est démente à tous les sens du terme possible. Le visage tordu par la folie qui accompagne l’abandon.
Elle fait ce que toutes les filles font depuis que le téléphone existe : elle l’appelle alors qu’elle ne devrait pas appeler, et pire que tout, il décroche parfois difficilement, mais il décroche. Lui on ne l’entend pas, jamais, tout ce qu’on entend c’est sa litanie à elle, sa douleur béante à elle.

Le texte éternel dit l’affreux du ridicule, la façon dont oui, sentir les chaussures de l’être désormais disparu est un passage obligatoire. On ne sait rien ni d’elle ni de lui, rien qui ne peut indiquer leur profession et c’est là que l’universel de la misère de la  condition humaine surgit bien.

Alors cette banalité pourrait sonner plate tellement elle est partagée et tellement elle a été racontée de mille et une façons. On pense bien sur à une autre boite blanche, celle de Clôture de l’Amour de Rambert, mais le talent et la froideur du patron du Toneelgroep Amsterdam est vorace dans sa radicalité. La langue que majoritairement le public français ne comprend pas semble avoir été faite pour dire le désastre et la dévastation intérieurs.
La scénographie de Jan Versweyveld et Pascal Leboucq apparaît extrêmement audacieuse par sa fausse simplicité. Cette histoire peut se passer n’importe où en Europe à n’importe quelle époque. La seule borne chronologique qui est posée et celle du portable, et elle date évidemment le jeu. Elle n’est plus la fille qui enroule les fils autour de son doigt mais celle qui déambule, quitte l’espace et  fait autre chose pendant qu’elle téléphone. Vomir ou s’habiller sont des options possibles
Ivo Van Hove livre une pièce difficile, aussi difficile que ce sujet peut l’être, mais qui à la fin sait, comme il sait si bien le faire, ajouter du drame, aller au bout de l’enfer. Il nous enlève tout espoir de retour à quelque normalité possible. Et c’est là qu’il est le plus fort.

 Visuel : ©Theatre de la Ville- Site officiel

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